La France s’efforce de renouveler un dialogue avec la Russie, dans un contexte géopolitique tendu, mais qui doit s’efforcer de dépasser les crispations. Moscou a su retrouver un statut de puissance, malgré une économie trop dépendante aux hydrocarbures. Poutine dispose d’atouts dont une stratégie gagnante au Moyen-Orient.
Préambule - « Avec la Russie, il n’y a rien à gagner à ne pas se parler »
Preamble—With Russia, Nothing is to be Gained by not Speaking to Each Other
France is attempting to renew dialogue with Russia. The geopolitical context may be tense, but effort has to be made to overcome such tension. Moscow has been able to re-establish a position of power, despite an economy over-dependent on hydrocarbons. Putin holds many trump cards, one of which is a winning strategy in the Middle East.
Le constat est que paradoxalement les relations de la France avec la Russie sont moins bonnes qu’elles ne l’étaient avec l’Union soviétique. Cette dernière était certes un adversaire, mais cela n’empêchait pas un dialogue régulier et des coopérations fructueuses. Les visites présidentielles ou ministérielles étaient fréquentes. C’est encore plus vrai de l’Union européenne qui, depuis l’élargissement à des pays qui ont souffert de la domination soviétique, considère toujours Moscou comme une menace. Elle a d’emblée refusé l’adoption d’une stratégie à l’égard de la Russie et les relations se sont étiolées au point d’être encore moins bonnes qu’avec l’Otan. Donald Tusk, agissant plus en Polonais qu’en président du conseil européen a fortement contribué au gel des relations. Les choses se sont naturellement aggravées depuis 2014 après l’annexion de la Crimée et l’intervention russe au Donbass qui a provoqué l’adoption de sanctions périodiquement renouvelées.
La politique du président de la République français, d’abord bilatérale s’inscrit clairement dans une logique européenne. Dès sa prise de fonction, il a invité le président Poutine à Versailles pour célébrer les 400 ans des relations diplomatiques et a maintenu un dialogue téléphonique régulier sur la crise syrienne en particulier. Dialogue franc et exigeant. Invitant le président Poutine au fort de Brégançon le 19 août 2019, à la veille du sommet du G7 à Biarritz – dont Moscou a été exclu en 2014 – Emmanuel Macron a proposé l’établissement d’une nouvelle architecture de sécurité et de confiance portant sur tous les volets de la relation. Cette politique de réengagement a été confirmée lors de la conférence des ambassadeurs en août 2019. La Russie est comme la France membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et partie prenante aux crises qui ne pourront donc être résolues sans elle. Le monde s’est recomposé avec l’émergence de la Chine, et l’Europe comme la Russie risquent d’être prises en étau dans le conflit des deux géants tombés dans le piège de Thucydide. L’historien grec a décrit les ressorts de la guerre, inévitable du Péloponnèse, lorsque la puissance dominante, mais désormais déclinante, Sparte, s’est sentie menacée par la puissance émergente et jugée provocatrice, Athènes. Les deux parties ont été perdantes. Washington est aujourd’hui dans le rôle de Sparte et Pékin dans celui d’Athènes.
Malgré l’entente renforcée entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, Emmanuel Macron en appelle à l’identité européenne de la Russie et donc à une possible convergence d’intérêt. C’est une stratégie du temps long, d’inspiration gaullienne si l’on se souvient que visitant l’Union soviétique en 1966 le général de Gaulle, que l’on ne peut soupçonner de complaisance à l’égard du régime, a déclaré effectuer une visite de la France de toujours à la Russie de toujours. L’objectif est d’arrimer la Russie à l’Europe et d’essayer de régler les conflits gelés. La question du Donbass, à l’origine des sanctions européennes, devrait à cet égard constituer un test. Des résultats concrets sont intervenus, en décembre 2019, au Sommet de Paris, en format Normandie (France, Allemagne, Russie, Ukraine) au cours duquel a eu lieu la première rencontre entre les présidents Poutine et Zelinski. Des accords sont intervenus sur le cessez-le-feu, le désengagement de zones supplémentaires et l’échange de prisonniers. Restent de nombreux problèmes à régler, mais l’atmosphère a changé et les discussions ont repris sérieusement au groupe de Minsk. Certes, le deuxième Sommet programmé à Berlin en avril 2020 a été reporté et la pandémie risque de retarder encore les échéances.
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