Les relations russo-américaines sont marquées par la défiance et la difficulté à relancer un dialogue du contrôle des armements. L’ambivalence de Moscou et la méfiance de Washington accroissent les antagonismes alors qu’il serait nécessaire de rétablir le dialogue sur des sujets d’intérêt commun, pour une ouverture nécessaire.
Les désaccords russo-américains sur la stabilité stratégique et le contrôle des armements
Russian-American Disagreements on Strategic Stability and Arms Control
Russo-American relations are notable for their mistrust and for the difficulty in re-establishing dialogue on arms control. Moscow’s ambivalence and Washington’s mistrust serve to increase antagonism: to create the opening that is required, they need to re-establish dialogue on matters of common interest.
Les relations russo-américaines n’ont cessé de se dégrader depuis le début des années 2000. Longue est de part et d’autre la liste des griefs et des récriminations. Ils concernent au premier chef la stabilité stratégique et le contrôle des armements. Dans son adresse de mars 2018 à l’Assemblée fédérale russe qui réunit les représentants des chambres haute et basse du Parlement, le président Poutine a tiré argument du retrait unilatéral des États-Unis du traité ABM (Anti-Ballistic Missile) en 2002 et du déploiement de systèmes antimissiles en Europe pour justifier la mise au point de six nouvelles armes stratégiques qu’il a présentées avec force détails, vidéos à l’appui.
L’antagonisme entre les deux pays présente un cas classique de dilemme de sécurité : inquiet pour sa sécurité, un État accroît sa puissance militaire, suscitant les craintes d’un autre État qui, y voyant une menace, renforce à son tour son appareil militaire. Ce processus concomitant augmente le niveau d’incertitude et l’insécurité globale. Robert Jervis, qui a parmi les premiers théorisé ce phénomène, soulignait sa dimension perceptive et psychologique (1). Il expliquait, par exemple, « qu’une fois qu’une image de l’autre est cristallisée, notamment lorsque cette image est hostile, les informations ambiguës ou contradictoires seront assimilées à l’image dominante. Les décideurs politiques tendent à percevoir ce qu’ils attendent. De plus, ils sont souvent convaincus que leurs propres actions sont purement défensives, et naturellement perçues comme telles par les protagonistes » (2).
À Moscou comme à Washington, l’opposition à l’ancien ennemi de la guerre froide fait partie de « la carte mentale » de nombreux dirigeants et experts, au sens où elle structure les représentations du monde qu’ils mobilisent pour penser l’action politique (3). On assiste en même temps à une transformation profonde du système international sous l’effet de la montée en puissance de la Chine. Son ascendant s’exprime sur les plans économique et financier, mais aussi dans les domaines militaire et technologique. Le centre de gravité du monde se déportant vers l’Asie-Pacifique, les États-Unis y réorientent leurs efforts. Or, la sécurité de l’Europe est encore largement liée à l’engagement américain au sein de l’Otan et des partenariats bilatéraux. La stabilité stratégique du continent européen dépend toujours des garanties de sécurité américaines et de l’état des relations russo-américaines. Cependant, l’avenir du contrôle des armements est aussi tributaire de la nouvelle bipolarisation sino-américaine du monde.
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