Les États n’ont plus le monopole sur les industries de défense en raison des évolutions poussant à la libéralisation et à la mise en concurrence. Cependant, ils restent des acteurs indispensables et doivent trouver des modes de régulation et de travail avec les entreprises, en particulier dans le domaine cyber en pleine mutation.
L’évolution des rapports entre États et entreprises dans l’industrie mondiale de défense
The Evolution of Relationships Between States and Companies in the Global Defence Industry
States no longer have the monopoly over defence industries as a result of a number of developments which militate for liberalisation and the creation of competition. States nevertheless remain essential players and need to find ways of regulation and working with companies, especially in the rapidly changing cyber field.
Il y a maintenant trois décennies, la fin de la guerre froide avait entraîné une restructuration complète de l’industrie mondiale d’armement. De nombreuses bases industrielles et technologiques de défense (BITD) soutenues par les exportations ou des budgets de défense élevés s’étaient effondrées (1), concentrant plus encore la production mondiale autour de quelques pays producteurs, principalement les États-Unis et certains pays européens. Les scénarios d’évolution du marché mondial de l’armement à l’horizon du XXIe siècle étaient alors partagés entre la perspective d’une domination totale des entreprises américaines, du fait de l’incapacité de leurs homologues européennes à dégager suffisamment d’économies d’échelle pour continuer à être compétitives, et celle d’une mondialisation du secteur, grâce à des accords de coopération permettant une diffusion internationale des technologies et le maintien de plusieurs BITD nationales interdépendantes (2).
Aucun de ces deux scénarios ne s’est complètement réalisé. Aujourd’hui, le constat est d’abord celui d’une dynamique porteuse pour l’industrie d’armement mondiale : sur la période 2002-2017, les ventes d’armes ont progressé en volume de près de 47 %, et les dépenses militaires de 53 % (3). Le secteur est dominé par les groupes américains, lesquels en 2017 ont réalisé 58,5 % du total des ventes d’armes des 100 premières entreprises mondiales de défense, hors Chine, selon le classement du SIPRI. Cette performance est en partie expliquée par la taille du budget américain (39 % de total mondial en 2019), sachant que le marché mon dial de l’armement est caractérisé par une forte dépendance aux commandes nationales, les exportations ne représentant qu’environ 15 % des ventes. L’oligopolisation de l’industrie mondiale de défense ne s’est pas accrue : ainsi, en 2017, les 15 premières firmes de défense mondiales réalisaient environ 55 % du total des ventes d’armes dans le monde, une part en baisse par rapport à 2002 (66 %) (4). On est loin du niveau de concentration industrielle atteint dans d’autres secteurs, comme l’aéronautique civile, dominée par le duopole Boeing/Airbus.
Ces évolutions témoignent d’une mondialisation sectorielle qui est restée limitée, du fait du maintien d’une logique protectionniste sur de nombreux territoires, et par le fait que de multiples entreprises de défense dans le monde restent sous contrôle étatique.
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