Le panorama de l’industrie de défense en Europe est complexe avec des situations et des ambitions très différentes, en particulier liées à la relation avec les États-Unis. Les asymétries sont nombreuses, d’où la difficulté de passer du discours incantatoire sur une autonomie stratégique aux actes la concrétisant.
Quelle industrie de défense pour quelle Europe ?
What Defence Industry for Which Europe?
Defence industry in Europe presents a complex panorama with vastly differing situations and ambitions, in particular where the relationship with the United States is concerned. There is much asymmetry, hence the difficulty in moving from incantatory talk about strategic independence to the action needed to put it into effect.
L’intensité des négociations portant sur les actions et les entités éligibles, les critères d’attribution et les modalités de financement des projets dans le cadre du futur Fonds européen de défense (FED) (1) reflètent la situation asymétrique des États-membres de l’Union européenne (UE) en matière de conception et de production d’armement. Si le vocable de « base industrielle et technologique de défense européenne » (BITDE), largement utilisé dans les discours et les textes officiels, laisse imaginer un ensemble cohérent, fruit de la convergence d’objectifs et d’efforts partagés, la réalité est toute autre et elle a été clairement mise à jour à travers les lignes rouges de chaque État-membre. Dans l’Europe des 27 et au Royaume-Uni, des entreprises de toutes tailles (grands groupes, ETI, PME) interviennent sur le marché de la défense, à des degrés divers (spécialisées défense ou aux activités duales) et à différents niveaux de la chaîne de valeur (maître d’œuvre, systémier-équipementier de rang 1, sous-traitants). Les technologies et produits, dont ces entreprises peuvent se prévaloir sur le marché, apparaissent très largement dus à l’appui de l’État (politique d’acquisition d’équipements de défense, politique industrielle, financement de la R&D et soutien à l’innovation, soutien export), également condition de la pérennisation de leurs compétences et de la consolidation de leurs positions concurrentielles. Dès lors, les divergences d’ambitions des États européens concernant l’indépendance et l’autonomie de conception, de production, de maintien en condition opérationnelle (MCO) et de mise en œuvre des équipements des forces armées auront profondément marqué le paysage industriel européen de la défense, en (re)dessinant ses contours au fil du temps.
Caractériser l’asymétrie
Une comparaison des dépenses d’équipement (dont R&D) (2) pour l’année 2018 montre ainsi que le Royaume-Uni et la France en représentent à eux deux 49 %, l’Allemagne et l’Italie 22 %, un groupe d’États formé de la Pologne, de l’Espagne, des Pays-Bas, de la Suède et de la Roumanie également 22 %, les 9 % restants agrégeant les dépenses des 18 autres États-membres (dont 10 avec un financement national sous la barre des 200 M€/an). La concentration de l’effort financier est encore plus grande s’agissant de la seule R&D et elle n’aura fait que se renforcer ces cinq dernières années. 80 % des dépenses de R&D de défense sont le fait de la France et du Royaume-Uni quand l’Allemagne affiche une part de 11 %. Suivent la Pologne, l’Espagne et la Suède avec une part combinée de 6 %, puis les Pays-Bas, l’Italie (3) et la Finlande représentant ensemble 2 % des dépenses. Les montants déclarés par les autres États-membres ne dépasseraient pas ici les 1 % (avec chacun moins de 20 M€ de dépenses annuelles au niveau national). Sans le Royaume-Uni, les dépenses de la France pèsent mécaniquement davantage, passant de 23 % à 30 % pour les équipements (dont R&D) et de 53 à 73 % pour la R&D. Avec l’Allemagne, ces parts atteignent respectivement 47 et 88 %.
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