La coopération de défense en Europe est une question déjà ancienne avec des avancées spectaculaires, mais aussi de longues phases de stagnation. Tout dépend de la priorité accordée par l’Europe à cet enjeu. La crise sanitaire actuelle pourrait être une opportunité pour accroître cette dynamique.
La coopération de défense en Europe, un enjeu prioritaire ?
Defence Cooperation in Europe, a Priority Challenge?
The issue of defence cooperation in Europe has long been with us: it has shown spectacular advances yet also long phases of stagnation. It all depends on the priority accorded by Europe to this challenge. The current health crisis could be an opportunity to build on this dynamic.
Depuis 2016, les initiatives de coopération en matière de défense se multiplient : ont entre autres vu le jour une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité, une capacité militaire de planification et de conduite pour les opérations à mandat non exécutif, la Coopération structurée permanente (CSP) (1), l’Initiative européenne d’intervention (IEI), un Fonds européen de défense et la Direction générale de la Commission européenne en charge de l’industrie de défense et de l’espace (DG DEFIS). Ces instruments, qui visent, dans leur ensemble, à améliorer la compétitivité et l’autonomie stratégique de l’Union européenne (UE), montrent que la défense est un enjeu prioritaire depuis ces cinq dernières années, non seulement dans les États-membres, mais aussi à Bruxelles. Cependant, ces avancées ne doivent pas être tenues pour acquises. Au contraire, le succès des instruments récemment mis en place – qu’il s’agisse de la CSP ou de l’IEI – dépend largement du contexte politique et économique dans lequel ils s’inscriront dans les années à venir.
Bien que la coopération de défense soit montée en puissance sur les agendas gouvernementaux depuis 2016, la pandémie de la Covid-19 – et la crise économique que celle-ci a déclenchée – illustre bien que la place des enjeux de défense sur l’agenda européen est fragile. La crise sanitaire, qui est en train de se transformer en une récession d’une ampleur inédite depuis la Grande Dépression, risque en effet de mettre fin à cet élan, en faisant de la défense une variable d’ajustement. Les premières conséquences de la pandémie en termes de priorités politiques, sont déjà visibles : depuis le début de mars 2020, et au moment de l’écriture de cet article, la priorité des gouvernements européens est la gestion de la pandémie, suivie de près par l’économie. Plus d’attention pour la santé et l’économie implique néanmoins moins d’attention pour d’autres enjeux, comme la défense, y compris d’un point de vue budgétaire. Il est donc probable que la pandémie de la Covid-19 aura un impact sur la capacité des États à répondre aux ambitions européennes en matière de défense. Le but de cet article, qui s’inscrit dans la lignée des travaux sur les agendas politiques, est d’interroger l’évolution de la défense comme priorité politique au niveau européen et de donner quelques pistes de réflexion sur sa place après la crise sanitaire.
La mise à l’agenda des enjeux de défense
L’étude de la mise à l’agenda des politiques publiques a d’abord été soutenue par Schattschneider (1960) et Bachrach et Baratz (1962). Depuis les années 1960, plusieurs modèles théoriques ont été construits pour mieux comprendre comment les acteurs et institutions, impliqués dans le processus décisionnel, font face à certaines demandes sociales et non pas à d’autres.
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