La dissuasion repose essentiellement sur le nucléaire. Toutefois, pour l’Otan, les forces conventionnelles avec leurs modes d’action diversifiées contribuent à la mise en œuvre de la Deterrence. Le concept mis en œuvre par l’Alliance vise à délivrer des effets stratégiques spécifiques en évitant l’usage de la force et en définissant des cibles particulières, obligeant la puissance adverse à discuter et négocier.
La Deterrence par les forces conventionnelles vue par l’Otan
The NATO View of Deterrence by Conventional Forces
Deterrence is essentially nuclear. That said, within NATO, conventional forces and their diverse modes of action contribute to the implementation of deterrence. The Alliance’s concept aims at delivering specific strategic effects whilst avoiding the use of force and by defining particular targets that compel the adverse power to discuss and negotiate.
Durant la guerre froide, les blocs avaient convenu de leurs règles d’interaction stratégique sur les sujets militaires. Un soin tout particulier avait été concédé au nucléaire, plaçant de facto les influences et interactions mutuelles des forces conventionnelles dans une logique restreinte. Les grandes puissances aboutirent à la doctrine MAD (Mutual Assured Destruction) et à ses déclinaisons : les accords de limitation et de contrôle des armes. La France développa sa doctrine de dissuasion du « faible au fort ». Cependant, certains avantages et inconvénients n’apparurent que lors de l’application pratique ou sous la déformation du substrat géostratégique. Ainsi, une fois structurées les doctrines d’emploi du nucléaire (1), les processus de dialogue par action militaire se stabilisèrent et l’usage des forces conventionnelles évolua vers un milieu de spectre de l’emploi de la force. Les guerres entre les acteurs nucléaires et leurs proxies devinrent étroitement surveillées et repoussées vers des zones périphériques.
Malgré ces conflictualités récurrentes, les détenteurs de l’arme nucléaire cherchèrent à maintenir un dialogue, fut-il parfois minimal. Hors de la sphère militaire, conscient du caractère imprédictible de la nature humaine, le monde politique n’a jamais entièrement sacrifié son potentiel militaire conventionnel sur l’autel de cette étrange période. Les forces conventionnelles ont donc fait l’objet de recherches doctrinales avancées pour comprendre quel pouvait être leur apport spécifique. Il s’agissait notamment de concevoir dans quelle mesure les forces conventionnelles peuvent influencer en temps de paix et de crise les décisions politiques. Depuis le Sommet de Varsovie de 2016, l’Otan affiche la Deterrence comme un pôle majeur de son action courante. L’Otan s’appuie sur l’existant constitué, d’une part de sa masse potentielle et d’autre part de ses activités d’entraînement de haute intensité pour soutenir ses positions politiques. Mais, les effets de dissuasion de ses forces conventionnelles pourraient être encore améliorés. En effet, bien conçus, ces effets peuvent être suffisamment fins et ainsi soutenir les messages politiques avec pertinence en assurant une plus grande crédibilité sans risque escalatoire. Actuellement, à SHAPE, l’état-major stratégique des opérations de l’Otan, la Deterrence est une doctrine qui se développe entre redécouverte, mise en pratique par le retour court d’expérience et adaptation aux nouvelles réalités et contingences intrinsèques aux alliances. Cette nouvelle approche est encore bien récente, mais c’est un domaine qui requiert toute l’attention des pays qui la mettent en œuvre. Au premier rang de ces nations se trouve la France qui, plus que les autres peut-être, du fait de sa vision exclusive et protectrice de la cohérence nucléaire, doit s’assurer d’une parfaite coordination entre les effets dissuasifs nucléaires et conventionnels.
Dans la mesure où ces effets par les forces conventionnelles s’appliquent d’ores et déjà quotidiennement dans la géostratégie de la Russie, des États-Unis et de la Chine, en compléments synchrones des autres mesures PMSEII-PT (2), force est de constater leur intérêt. L’enjeu devient dès lors : « Comment mieux comprendre les effets de ces forces conventionnelles pour, d’abord, ne pas subir leurs éventuels effets à notre encontre et ensuite exploiter au mieux leur potentiel dissuasif à notre avantage. »
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