From Space Surveillance to Military Operations in Space
De la surveillance spatiale aux opérations militaires dans l’espace
Dire que l’utilisation de l’espace est devenue indispensable à nos vies est un lieu commun. Ce qui l’est moins, est que l’accès à l’espace et la préservation de nos intérêts sont devenus des enjeux majeurs de souveraineté. Comme le souligne le chef d’état-major des armées, aucune opération militaire n’est concevable aujourd’hui sans nos satellites d’observation, d’écoute ou de communications.
La démocratisation de l’accès à l’espace n’est pas nouvelle, et la multiplication des satellites a vite soulevé la question de la prévention des collisions. C’est ainsi que pour préserver nos satellites, mais également protéger les populations face aux rentrées atmosphériques des objets spatiaux (réservoirs, débris…), la France a développé une capacité de surveillance spatiale, grâce à une coopération entre le Cnes, les armées, plus particulièrement l’Armée de l’air et certains de nos partenaires, dont les États-Unis. L’amélioration constante de cette capacité de surveillance est un objectif du ministère des Armées depuis des années.
Grâce à cette capacité, et pour remplir cette mission de prévention et de protection, nos armées sont donc capables d’établir en permanence une situation spatiale et de prédire avec une très grande précision la position de nos satellites, de ceux de nos alliés, mais également de nos ennemis potentiels. La connaissance de la situation spatiale est essentielle dans la planification et la conduite des opérations militaires. En effet, la prise en compte des satellites présents au-dessus d’une zone d’opérations constitue un élément déterminant dans le tempo de l’action. Soustraire une opération à l’œil ennemi – ou au contraire montrer la préparation d’un raid offensif – fait partie de ces modes d’action.
Mais tout comme les premiers observateurs aériens durant la Grande Guerre ont été rapidement menacés par des avions armés, nos satellites font maintenant l’objet d’attentions pas toujours amicales, voire hostiles, de la part d’autres satellites ou sont maintenant à la portée d’armes de neutralisation. Ces démonstrations techniques de savoir-faire offensifs, encore limitées, montrent la capacité en développement de certaines nations à denier ou restreindre l’accès à l’espace.
La publication de la Stratégie spatiale de défense en 2019 marque la volonté de notre pays de se doter de la capacité de conserver notre liberté d’appréciation, d’accès et d’action dans l’espace. Pour le nouveau Commandement de l’Espace (CDE), les enjeux et les défis à relever sont immenses. Tout d’abord, la surveillance de l’espace aujourd’hui effectuée par des moyens sols (radars, télescopes) va devoir être complétée par des capteurs situés dans l’espace pour évoluer vers une maîtrise de l’environnement spatial en temps réel. Le traitement des données reçues, leur fusion pour détecter une situation anormale ou suspecte, par rapport à une situation de référence, vont constituer une étape essentielle dans l’élaboration des moyens de commandement et de contrôle C2 (Command and Control). Grâce à ces moyens de C2, le CDE va pouvoir faire intervenir des satellites dédiés pour guet ter, patrouiller et ainsi classifier la menace afin de permettre in fine la décision d’action à son encontre. Car il ne servirait à rien d’avoir réussi à identifier et localiser la menace si nous n’étions capables de mener des opérations spatiales militaires afin de décourager les actes inamicaux, illicites voire agressifs. La réalisation de ces opérations devra bien évidemment se faire dans le strict respect du droit international qui régit l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques.
Car les défis ne sont pas seulement technologiques, ils sont également juridiques, doctrinaux et humains. La formation de spécialistes à de nouveaux métiers est un des enjeux majeurs qui attendent la toute nouvelle Armée de l’air et de l’espace si elle veut pouvoir disposer d’opérateurs spatiaux formés à mettre en œuvre toutes ces nouvelles capacités.
L’ambition de ce numéro de la Revue Défense Nationale est à la hauteur de ces enjeux : guider le lecteur dans l’espace afin de lui faire appréhender ce qui attend les acteurs du domaine spatial (industriels, Cnes, DGA, armées) en général et l’Armée de l’air et de l’espace en particulier. Cela n’aurait pas été possible sans une contribution exceptionnelle de bon nombre de ces acteurs et responsables. Je tenais à les en remercier chaleureusement. ♦