Être soldat de Hitler
Être soldat de Hitler
La plus complète et novatrice des sommes sur l’outil militaire hitlérien. Une histoire totale, à forte dimension anthropologique. Tous défilent tour à tour : soldats, officiers ou chefs suprêmes, armée de terre, de l’air ou de mer, Wehrmacht, Waffen-SS ou auxiliaires étrangers. De l’enrôlement à la mort au combat ou à la captivité et à la mémoire, tout y est. Avec force chiffres, détails et témoignages, le lecteur s’immerge au plus près du quotidien du combattant allemand : rations, tenues, armements, relations de hiérarchie et de camaraderie, hébergements, loisirs, conditions de combat, perceptions des ennemis et des civils… Et bien sûr, politisation et participation aux crimes nazis.
L’entraînement très dur, souvent à balles réelles, produit des combattants d’excellence. Bien formés, ils savent tirer profit du moindre terrain, ou s’y camoufler. Au rebours d’idées reçues, ils sont incités à prendre des initiatives et à remplacer au pied levé tout camarade ou supérieur tombé. Leurs succès sur des fronts immenses et lointains les convainquent qu’ils forment la meilleure armée du monde. Le lecteur les suit dans le ciel ou sous l’océan, dans la canicule du désert comme dans la boue et le gel de Russie, sur les sentiers rocailleux de haute montagne ou retranchés derrière des lignes fortifiées. Il les voit aussi profiter d’une occupation plutôt aisée en Europe occidentale, très violente à l’Est. À partir de fin 1941, l’adversaire est fréquemment quatre, sept voire dix fois supérieur en nombre et en matériel ; mais jusqu’à sa défaite tardive, la Wehrmacht sait encore contre-attaquer, faire retraite en bon ordre ou infliger à l’ennemi des pertes bien supérieures aux siennes, pourtant colossales.
Pour autant, points faibles et carences ne manquent jamais. La logistique est souvent défaillante. Le Génie allemand ne vaut pas l’occidental. Le renseignement est médiocre au possible. Les tanks sont de qualité inférieure avant 1943, l’armée sous-motorisée et à 80 % hippomobile. L’aviation n’est pas conçue pour une guerre longue. La flotte de surface est un parent pauvre, les U-Boats trop peu nombreux, leurs torpilles défectueuses. Au fil du temps, l’usure des effectifs et des équipements devient irréparable, l’instruction est bâclée, le manque de carburant paralyse. Et la Wehrmacht ne ploie pas, que sous le nombre : l’historiographie récente réhabilite les qualités manœuvrières de l’Armée rouge. La Waffen-SS n’est en rien la troupe d’élite qu’une littérature nostalgique a fait croire. Et le mythe de la « Wehrmacht aux mains propres » est bien ébranlé depuis les années 1990 : endoctrinés ou non, chefs et soldats partagent avec les nazis bien des valeurs racistes et antisémites. Ils sont au mieux indifférents ou complaisants, au pire compromis activement dans de très nombreux pillages, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, Shoah incluse. La seule mort de 3,3 des 5,7 millions de prisonniers soviétiques est de l’entière responsabilité de l’armée.
Sur 3 500 généraux, seule une vingtaine sympathise avec le complot du 20 juillet 1944. Désertions et révoltes sont rares, et pas que par peur de la cour martiale. La foi dans le génie du Führer reste intacte jusqu’à très tard, comme la conviction de mener une guerre juste, patriotique et défensive. Malgré l’adage, ce sont les vaincus qui ont écrit l’histoire de l’armée allemande – avec la complaisance des vainqueurs occidentaux, respectueux d’un adversaire coriace, et soucieux de recycler ses cadres dans la Bundeswehr. Si le cinéma ridiculise souvent le soldat allemand, la Wehrmacht fascine durablement via une masse de livres, jeux vidéo, jouets ou collections. Il faut la fin du XXe siècle pour saisir qu’une armée au service d’une entreprise criminelle ne peut avoir évité le déshonneur. ♦