Winston Churchill est un cas exceptionnel dans l’histoire du XXe siècle. Sa très longue carrière avec des hauts et des bas est marquée par la volonté, le leadership et la force de caractère. C’est bien grâce à son énergie que Londres n’a pas baissé les bras en juin 1940 et a sauvé l’honneur des démocraties.
Le commandement : l’exemple de Churchill
Command: the Example of Churchill
Winston Churchill is an outstanding case in the history of the twentieth century. His very long career had its highs and lows and was marked by his willpower, leadership and force of character. It is because of his energy that London did not give up in June 1940 and saved democratic honour.
Dans les définitions communes, le commandement s’entend comme un acte d’autorité ; celui qui l’exerce régit l’action d’hommes et de femmes placés sous son autorité. Cette notion est intrinsèquement liée au monde militaire où la discipline, l’ordre et l’obéissance consentie sont des valeurs fondamentales. Plus précisément, l’officier, en tant que sommet de la pyramide hiérarchique, dépositaire de l’autorité, commande. Cette autorité, présentant d’exorbitants privilèges comme le droit d’user de force mortelle ou de conduire au sacrifice suprême, est strictement encadrée par l’autorité politique. Loin d’être une abstraction, le commandement a un visage : celui de chefs, de stratèges et d’hommes et de femmes enfin qui, du politique au militaire, préparent, entraînent et enfin conduisent le soldat au combat. Peu d’hommes ont pu exercer un commandement à tous les étages de cette chaîne. C’est le cas de Sir Winston Churchill, dont l’exemple nous guidera à travers cet article pour développer l’art du commandement et en particulier la figure du commandant, du chef. L’amiral Nelson avait coutume de dire : « Le carré d’as de l’officier, c’est le sens du commandement, l’imagination, l’ouverture aux idées des subalternes, avoir l’esprit offensif (1) ». Nous verrons que si cette phrase résume admirablement les qualités d’un bon commandant, Sir Winston Churchill est, dans une large part, contenu dans cette phrase.
Exercer le commandement au combat
Qu’est-ce qui légitime l’autorité du chef ? La hiérarchie tout d’abord, qui impose aux soldats un commandant qu’ils n’ont pas choisi – en tout cas pas dans les premiers instants du temps de commandement. Par la suite, le caractère de ce chef, son leadership et son sens du commandement, appliqué à chacune de ses actions, et particulièrement au combat ; sa capacité à faire adhérer ses hommes à la mission, légitiment d’autant plus la place du chef au sein de son unité. Pendant la Première Guerre mondiale, Churchill reçoit le commandement d’un bataillon au 6e Royal Scots Fusiliers. François Kersaudy, un de ses biographes, décrit ainsi la manière dont Churchill exerce les premiers temps de son commandement : « […] le nouveau commandant est profondément humain, aussi avare de sanctions que prodigue d’encouragements, très soucieux du moral de ses soldats, aussi prompt à apprendre qu’à enseigner, et toujours prêt à mettre la main à la pâte [...] » (2).
Mais cet entrain serait vain, s’il s’effondrait au contact du feu : l’épreuve souveraine pour juger le caractère des hommes et du chef en particulier. Il est impensable de prétendre entraîner ses hommes au combat, sans leur montrer l’exemple sous les balles ennemies. Responsable de la vie de ses hommes, et ayant reçu le pouvoir de leur demander le sacrifice suprême, au besoin pour accomplir la mission ordonnée, le chef doit pouvoir faire preuve de courage moral face au danger. Les paroles d’Henri de La Rochejaquelein : « Si j’avance, suivez-moi ! Si je recule, tuez-moi ! Si je meurs, vengez-moi ! », sont une source d’inspiration comme il peut en exister de nombreuses. La carrière militaire de Sir Winston Churchill contient également de nombreux exemples : assistant à la répression de la rébellion à Cuba en 1895 par le maréchal Martinez Campos, il tiendra à se tenir debout sous le feu ennemi pour ne pas déchoir vis-à-vis des officiers espagnols. Son insouciance au combat en Inde, face aux rebelles Mamund en 1897, lui vaudra « une citation du général Jeffreys, signalant “le courage et la détermination du lieutenant W. L. S. Churchill” (3) » ; enfin, dans les tranchées en 1916, un des officiers, le lieutenant Smith, décrit ses incursions dans le no man’s land : « Il ne se plaquait jamais au sol quand un obus éclatait ; il ne se baissait jamais lorsqu’une balle passait avec fracas. Il disait souvent, après m’avoir regardé me jeter à plat ventre : “C’est foutrement inutile. Il y a longtemps que la balle t’a dépassé !” (4) » Par son apparente indifférence face au danger, le chef ne montre pas seulement à ses hommes son courage moral face à la perspective de la mort, il leur indique aussi que l’accomplissement de la mission leur est supérieur. En s’exposant le premier au danger, sans souci de sa propre personne, le chef fait valoir le but du sacrifice : réaliser la mission ordonnée, dans l’intérêt de la nation et s’il le faut au péril de sa vie : « L’armée de la République est au service de la nation (5) » et « l’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême [...] » (6).
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