Le modèle de nos forces armées a peu évolué depuis le choix de la professionnalisation en 1996. Il n’est plus adapté pour faire face aux menaces actuelles et futures en raison du retour du fait guerrier. Il faut donc redonner épaisseur et profondeur à notre système, notamment sur le territoire national.
Modifier le modèle de nos forces armées
Changing the Model of our Armed Forces
The model of our armed forces has developed little since the decision to professionalise them in 1996. It is no longer adapted to countering current and future threats in view of the return of widespread belligerent activity. There is therefore a need to bring back breadth and depth to our system, especially on national soil.
Nos belles armées ont d’immenses qualités, dont celle de l’excellence. Elles ont quelques défauts, le moindre n’étant pas leur manque d’épaisseur, donc leur manque de résilience et de capacité à durer dès lors que les opérations changeraient de nature, de volume et de rythme. Mais elles en ont un autre, beaucoup plus grave. Le système de forces est organisé sur un modèle dépassé, dont l’économie générale n’a pas varié depuis un quart de siècle. L’environnement, lui, a changé ; profondément. Les risques ont grandi et muté ; drastiquement. Pourtant, le modèle de forces est resté identique, ne subissant que de marginales évolutions, techniques et non stratégiques.
Nos forces armées doivent certes changer rapidement d’échelle à l’instar des menaces, mais également intégrer non par défaut mais par volonté la menace directe sur le territoire national, avérée et permanente aujourd’hui, menace qui d’ailleurs s’amplifierait dramatiquement en cas de conflit de haute intensité. Il faut donc revaloriser l’idée de défense opérationnelle du territoire : prenant l’Histoire à contrepied, elle est devenue aujourd’hui un concept creux, sans substance, puisque dépouillé de moyens d’action sérieux. La puissance de nos armées doit au contraire reposer sur une base arrière solide, dotée de forces d’active dédiées à sa protection.
Le retour du fait guerrier
Aujourd’hui, le monde réarme. Jamais les dépenses militaires – sauf en Europe – n’ont été aussi élevées depuis la fin de la guerre froide. Ainsi, la Chine met en service une Marine française supplémentaire tous les cinq ans ; sur un rythme tranquille de 6 à 7 % par an, elle a multiplié par cinq son budget militaire en quinze ans, passant de 40 milliards de dollars en 2006 à 180 en 2020 : ce n’est probablement pas pour le seul plaisir d’organiser d’époustouflantes démonstrations de force sur la place Tian’anmen ou au large de Qingdao ! Partout dans le monde les usines d’armement tournent à plein régime. Parallèlement, nous constatons un niveau de désinhibition inédit dans l’usage de la force de la part de petits comme de grands pays. La Russie réarme, menace puis agit militairement : Géorgie, Ukraine, Syrie… La Turquie s’est lancée dans une dangereuse manœuvre militaro- impérialiste de la Libye au Haut-Karabagh en passant par la mer Égée. À nos portes, l’Azerbaïdjan s’est tranquillement lancé avec succès dans une guerre conventionnelle de conquête sans que nul ordre international ne l’en empêche. Tout cela rappelle les bonnes guerres désinhibées de la seconde moitié du IIe millénaire avec leurs culminations du XXe siècle.
Il reste 87 % de l'article à lire
Plan de l'article