L’environnement est devenu une préoccupation majeure pour tous les États. Décarboner nécessite des efforts importants qui demandent une coopération internationale accrue. Il y a là une opportunité entre la Chine et l’UE, permettant de dépasser des antagonismes et de construire un projet ambitieux et bénéfique pour la planète.
La nouvelle donne internationale et les opportunités de coopération stratégique UE/Chine
The New International Order and the Opportunities for EU-China Strategic Cooperation
The environment has become a major issue for all countries. Reducing carbon emission requires significant effort, which in turn requires greater international cooperation. There is an opportunity in this for China and the EU to overcome antagonism and to build an ambitious and beneficial project for the planet.
Le 30 décembre 2020, après sept ans de négociations, a été signé un accord global sur les investissements entre l’UE et la Chine. 2020 est aussi l’année d’une pandémie qui aura des conséquences majeures sur l’économie mondiale et les rapports internationaux, consacrant à la fois le retour légitime de l’intervention des États et un consensus autour des thèmes liés à la souveraineté déclinés dans différents domaines : souveraineté environnementale (1), souveraineté européenne (2), souveraineté technologique (3), souveraineté alimentaire (4). L’histoire retient 1520 comme l’année du passage du Moyen Âge à la modernité, non pas par un unique événement fondateur, mais par une succession de faits, comme 2020 cinq siècles plus tard, une succession de faits semble marquer une rupture : pandémie, exacerbation de la rivalité États-Unis/Chine, crise européenne et Brexit, crise économique mondiale, annonce d’une grande réinitialisation (Great Reset proposé par le Forum économique mondial), prise de conscience de l’urgence environnementale (Green Deal européen et engagement inattendu de la Chine d’être carboneutre en 2060)… 2020 marquera peut-être l’entrée dans une nouvelle ère. Mais si la globalisation est freinée, son principe n’est pas remis en cause, l’innovation technologique continue de jouer un rôle de rapprochement mondial, mais est aussi un outil d’influence au service des États et des groupes régionaux. Dans cette nouvelle donne internationale, quel peut être le rôle de l’Union européenne et des pays qui la constituent ? À l’occasion du colloque organisé par The Bridge Tank le 15 octobre 2020 au palais Brongniart sur la coopération UE-Chine post-Covid (5), l’ambassadeur Sylvie Bermann a souligné en ouverture que l’UE devait définir ses relations internationales externes, par exemple avec la Chine, les États-Unis et la Russie en fonction de ses intérêts propres. Dans cet esprit et à la lumière de la nouvelle donne internationale, nous allons nous attacher à proposer ce que pourrait être une relation stratégique UE/Chine, quels en seraient les préalables, pourquoi l’environnement devrait en être le fil rouge et en quoi cela contribuerait à mettre en place un nouveau multilatéralisme.
Un nouveau multilatéralisme : l’Europe à la croisée des chemins
La crise sanitaire en cours, à l’instar des grandes crises internationales historiques, accélère les tendances de fond des relations internationales. Les pandémies, les révolutions, les guerres et les krachs boursiers transforment les rapports de puissance en imprimant un rythme plus soutenu à des évolutions déjà amorcées. La Covid a avivé la rivalité entre la Chine et les États-Unis déjà sensible avec l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2013 puis de Donald Trump en 2017. La crise sanitaire a également mis en relief ce qu’il nous faut lucidement appeler une inquiétante « provincialisation de l’Europe ». Pour y remédier, l’ambition d’une Europe-Puissance (et « puissance d’équilibre », selon Sylvie Bermann) et de la nécessaire autonomie stratégique européenne a été récemment soutenue par le président Macron et évoquée par la présidente de la Commission européenne lors de son discours sur l’état de l’Union, le 16 septembre 2020. Cette idée fera certes plus facilement son chemin sans les Britanniques, qui avaient poussé à l’élargissement sans approfondissement de l’Europe politique, mais elle est loin d’être partagée par la majorité des 27 membres de l’Union.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays européens sont passés de sujets à objets des relations internationales et les évolutions récentes consacrent malheureusement cette tendance. Les années 1970 ont vu la montée en puissance de la Chine qui a progressivement remplacé aux États-Unis la Russie comme concurrent principal tout en liant économiquement et financièrement Washington et Pékin. Pour que l’Europe ne soit pas seulement un marché, mais une communauté de destin et pour qu’elle soit à même de définir ses intérêts stratégiques avec les grandes puissances, il faut d’abord approfondir l’Europe politique. Nous sommes trop nombreux et divisés à 27 pour nous mettre d’accord sur des orientations stratégiques. Il faudra sans doute en passer par une relance au sein de l’Union par un groupe de pays pionniers, pour lequel le franco-allemand peut rejouer un rôle central, et que des pays comme l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, la Belgique et des pays d’Europe centrale auront vocation à rejoindre. Les Européens ne peuvent pas non plus se passer de définir une stratégie vis-à-vis des organisations eurasiatiques mises en place par les Russes, les Chinois et les pays d’Asie centrale (OCS : Organisation de coopération de Shanghai) et banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, projet chinois « One Belt on Road »… Mais là encore, nous sommes le théâtre et les spectateurs de ces bouleversements qui auront pourtant des conséquences décisives sur notre destin. Enfin, coopérer avec la Chine c’est aussi coopérer avec le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), troisième bloc économique mondial, et ainsi accéder aux pays de l’ASEAN.
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