L’Éthiopie reste un État complexe basé sur un fédéralisme ethnique mal défini, entraînant des fragilités politiques et désormais des tensions vivaces avec des affrontements entre pouvoir central et région du Tigray. Il est difficile d’évaluer les évolutions possibles entre conflits communautaires et compromis politiques.
Éthiopie : la crise du fédéralisme ethnique
Ethiopia: the Crisis of Ethnic Federalism
Ethiopia is a complex state, founded on an ill-defined ethnic federalism which carries with it political weaknesses, and now raw tension and confrontation between the central power and the Tigray region. It is difficult to assess what developments might be possible amid community conflicts and political compromises.
Le 4 novembre 2020, le gouvernement fédéral éthiopien a lancé une opération militaire dans la région du Tigray au nord-est du pays. Cet espace peuplé majoritairement de Tigréens est dirigé par le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) en conflit depuis 2019 avec le pouvoir central d’Ahmed Abiy. Ce parti a également dominé la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), un parti multiethnique composé de quatre partis, pendant près de trente ans avant qu’Ahmed Abiy ne devienne Premier ministre en 2018. En novembre 2020, Abiy a ordonné une réponse armée à une attaque du TPLF contre une base militaire fédérale située dans le Tigray et qui héberge le Commandement du Nord de l’armée fédérale. Les dirigeants du TPLF ont justifié cette attaque comme étant une réponse préventive à une intervention militaire que prévoyait, selon eux, le pouvoir fédéral depuis plusieurs semaines.
L’escalade militaire est le résultat de tensions politiques entre les deux parties en conflit depuis la nomination du Premier ministre Abiy à la tête de l’État, en avril 2018, puis la création d’un parti unioniste (Prosperity Party) que le TPLF a refusé d’intégrer. Le dialogue politique a ensuite été rompu lorsque les dirigeants du TPLF ont voulu défier le pouvoir fédéral en menant leurs propres élections régionales. Celles-ci ont eu lieu en septembre 2020 alors que le pouvoir central avait reporté les élections nationales en raison de la crise sanitaire. Cependant, celle-ci n’a pas pour autant émergé avec l’arrivée au pouvoir d’un non Tigréen. Elle couvait depuis fort longtemps. Une vieille opposition idéologique a simplement eu l’occasion de ressurgir à ce moment-là. En effet, la victoire militaire d’Abiy en novembre 2020 n’est pas encore une victoire politique. Ni les analyses uniquement essentialistes, ni les politiques d’essentialisation ne permettent de comprendre et résoudre l’équation politique éthiopienne, seule une démarche dialectisée peut y aider.
Les causes du conflit sont multiples et bien plus profondes que les éléments conjoncturels que nous évoquons en introduction. Les causes sont historiques et liées à la construction de l’État éthiopien. Les oppositions entre pouvoir central et périphéries existent depuis le début de la formation de l’État éthiopien. Certains collègues historiens, comme Florian Fontrier, affirment que nous assistons actuellement à la dernière phase de la décolonisation africaine, celle de l’Éthiopie. Un pays qui n’a pas été colonisé par les Européens, mais par la dynastie Shoa qui s’est achevée sous Menelik au XIXe siècle, bâtisseur de l’Éthiopie actuelle.
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