Il y a soixante ans, le putsch des généraux faisait trembler la Ve République instaurée par le général de Gaulle, suite à l’incapacité de la IVe à trouver une solution politique au conflit algérien. La rupture consommée du lien entre la nation et son armée a été inéluctable ; sa reconstruction demandera des décennies d’effort.
Histoire militaire – La rupture du lien armée-nation, à l’origine du putsch des généraux (1946-1961)
Military History—Breakdown of the Link Between Armed Forces and Nation: the Generals’ Putsch (1946-1961)
Sixty years ago, the putsch by the generals sent tremors through the Fifth Republic, established by General de Gaulle following the inability of the Fourth to find a political solution to the Algerian conflict. The consummate rupture of the link between the nation and its forces was unavoidable; its reconstruction required decades of effort.
Comme toute grande crise, le putsch d’Alger d’avril 1961 plonge ses racines dans des causes lointaines, structurelles et d’autres, plus proches, liées à la situation du moment, la crise algérienne.
La IVe République, régime sous lequel tous les acteurs du putsch étaient alors en activité, a constitué une période de défiance mutuelle, permanente et croissante entre l’institution militaire et le pouvoir. Paradoxalement, depuis le coup de force vietminh du 19 décembre 1946 en Indochine, jusqu’à la chute de la IVe République en 1958, le pays s’est trouvé en permanence engagé dans des conflits coloniaux, l’Indochine et l’Algérie évidemment, mais également la révolte malgache, les troubles insurrectionnels dans les deux protectorats tunisien et marocain et, en marge, l’expédition de Suez. C’est alors que le rendez-vous entre la République et son armée a été manqué.
Investis pourtant par la Constitution de pouvoirs de « direction des forces armées » et de « coordination de la mise en œuvre de la défense nationale » (article 47 de la Constitution du 13 octobre 1946), les présidents du Conseil successifs n’y manifestent qu’un intérêt intermittent, préférant réserver leur temps et leur énergie à la résolution des problèmes politiques, financiers et sociaux, récurrents à l’époque, et déléguant, dès lors, leurs pouvoirs à des ministres de la Défense nationale ne disposant pas de l’autorité suffisante pour imposer leur point de vue ou leurs arbitrages aux autres membres du gouvernement. Le résultat est une césure entre la politique et la conduite de la guerre.
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