Editorial
Éditorial
Le constat est hélas connu depuis longtemps sur l’Union européenne, qui hésite entre le kitsch de l’Eurovision et l’impuissance géopolitique face aux défis stratégiques marqués par le retour du rapport de force, de la violence interétatique et des États puissances aux ambitions désinhibées. La construction européenne est pourtant un des piliers de la politique française depuis plus de soixante ans. La France n’a en effet cessé de proclamer ses ambitions et de vouloir affirmer son rôle moteur, s’appuyant sur ses capacités militaires, dont la dissuasion nucléaire, totem emblématique de la Ve République. Mais entre l’autorité morale d’un général de Gaulle décidant de quitter l’Otan et la réalité d’aujourd’hui, la France est-elle encore la puissance qu’elle souhaite et prétend être ? Est-elle encore capable d’agir en totale souveraineté et indépendance ou est-elle accrochée à une vision nostalgique de son glorieux passé ? Telles sont les différentes questions et approches proposées dans le dossier de ce mois articulé autour de la Chaire des grands enjeux stratégiques contemporains de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dont l’édition 2021 porte sur « La France, acteur stratégique ? ».
Cette question est essentielle à double titre. D’abord, les mutations rapides des champs stratégiques obligent à s’interroger sur l’adéquation de nos moyens, de notre posture à nos ambitions politiques. Ensuite, parce que la campagne présidentielle pour 2022, qui est désormais pleinement engagée, doit être l’occasion d’un véritable débat sur ces ambitions et ne pas se limiter à un consensus mou avec des déclarations incantatoires, mais sans réelles réflexions. Ce dossier se veut ainsi une contribution importante et réaliste. À cet égard, la situation au Sahel mérite d’être abordée, car la dégradation constatée – malgré l’engagement déterminé de la France avec le courage de nos forces opposées à un ennemi sournois et polymorphe – démontre l’inadaptation des politiques conduites depuis plusieurs années et la complexité d’un théâtre où les intérêts des uns et des autres entrent en confrontation et interrogent sur les volontés africaines de sortir de la crise sécuritaire et politique.
Il n’en demeure pas moins vrai que nos armées déployées sur de nombreux théâtres n’ont jamais cessé de s’adapter aux exigences opérationnelles et de se moderniser même si les retards dans les programmes d’armement ont rendu la tâche difficile. L’exemple du programme A400M est emblématique à cet égard. Les premières études ont commencé en 1983 et le premier vol du prototype eut lieu le 11 décembre 2009. L’Armée de l’air reçut son premier appareil le 1er août 2013. Ses débuts furent laborieux et sa mise au point opérationnelle fut un long parcours d’obstacles avec de nombreuses critiques venant de toute part. Aujourd’hui, l’Armée de l’air et de l’espace s’apprête à réveiller le mythique escadron de transport « Béarn » pour mettre en œuvre l’appareil dont les équipages expriment leurs satisfactions à posséder un véritable game changer. L’A400M a gagné en maturité et apporte à nos forces de nouvelles capacités et le chemin ne fait que commencer.
Après des années difficiles où le vieillissement des matériels n’était pas compensé par le renouvellement des équipements, le changement est désormais pleinement engagé et concerne l’ensemble des forces. Il faut cependant rester plus que jamais vigilant, car l’accroissement des menaces est une réalité et il ne faudrait pas que 2022 se traduise par un lâche renoncement à nos ambitions stratégiques. ♦