L’Europe découvre qu’elle doit affirmer sa souveraineté et donc avoir une diplomatie moins irénique. La France reste méfiante vis-à-vis des initiatives européennes en matière de politique étrangère. Or, il est urgent que Paris démontre sa confiance par des gestes politiques plus européens.
Nation et Europe : la difficile synthèse de la diplomatie française
Nation and Europe: a Difficult Equation for French Diplomacy
Europe is discovering that it needs to affirm its independence, and thus that it needs a less peace-oriented diplomatic policy, yet France remains wary of European foreign policy initiatives. There is an urgent need for Paris to demonstrate its confidence through more European political moves.
Dans le champ de la diplomatie, la France et l’Europe se cherchent depuis plus de trente ans sans jamais se trouver. Plus la diplomatie française appelle à une Europe-puissance, moins celle-ci semble progresser. Et plus l’Europe de la diplomatie affirme sa volonté d’exister, moins la France paraît prête à s’engager à ses côtés. Pourtant, l’impression de convergence est saisissante aujourd’hui entre un Président français appelant à une Europe souveraine et des dirigeants européens qui plaident en écho pour une Union européenne géopolitique, capable de parler le langage de la puissance. On pourrait donc penser que les deux partenaires ont enfin scellé leur entente et vont ensemble faire progresser la politique étrangère de l’Europe. Mais rien n’y fait : la diplomatie française reste prudente sinon sceptique et la diplomatie européenne continue d’afficher de son côté des résultats décevants.
Y a-t-il une relation de cause à effet entre cette réserve de la diplomatie française et la faiblesse persistante de la politique étrangère européenne ? La France a-t-elle une responsabilité particulière dans ce constat décevant ? Ayant été à l’origine de la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) de l’Union européenne, la France devrait donc en être la cheville ouvrière. Dans les faits, elle se sera surtout montrée hésitante et ambivalente. Il faut donc s’interroger sur les raisons de cette contradiction et les moyens d’y porter remède.
Les hésitations françaises devant la diplomatie européenne
Un passage de l’Empire à l’Europe loin de toute intégration politique
Reprenons le fil de l’histoire. En passant de son statut de puissance coloniale à celui d’acteur multilatéral et européen, la France a conduit tout au long de la seconde moitié du siècle dernier une transformation en profondeur de sa politique étrangère. Ce passage de l’Empire à l’Europe aurait pu être vécu par la France comme une déchéance. Mais, comme l’a démontré Timothy Snyder, la France et les autres nations européennes, en faisant le choix de l’Union européenne, se sont donné un cadre pour « tromper le destin avec un atterrissage en douceur des Empires ». Le corollaire de ce choix aurait dû être un engagement résolu dans la mise en place d’une diplomatie européenne. Mais les esprits en France n’étaient pas prêts au sortir de la guerre à s’engager dans cette voie. On connaît la suite : pendant les trente premières années de son développement, le projet européen s’est construit autour d’un grand marché économique loin de toute idée de diplomatie ou de défense. Pour la France du général de Gaulle, l’Europe politique devait rester l’affaire des États ; tout au plus pouvait-on envisager un minimum de coordination entre les pays membres dans le respect de l’indépendance nationale de chacun. Peu ou prou, cet équilibre prévaudra jusqu’à la fin de la guerre froide.
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