Dans un monde en pleine évolution géopolitique, les transformations sont devenues complexes et nécessitent une meilleure compréhension des mécanismes à l’œuvre. Cela oblige à disposer d’outils puissants permettant d’analyser la tectonique des plaques stratégiques.
La France face aux guerres invisibles : à la recherche d’une carte géopolitique et géoéconomique
France in the Face of Invisible Wars: in Search of a Geopolitical and Geo-economic Map
In a world undergoing rapid geopolitical development transformations have become complex and necessitate better understanding of the mechanisms at work. That means we must have access to powerful tools for analysing the movement of the tectonic plates of strategy.
En 2006, Louis Gautier établissait le constat suivant : « Notre génération n’échappera pas à la guerre ; elle le pressent confusément. Elle n’est préparée ni moralement ni politiquement et s’y préparer lui répugne (1). » Quinze ans plus tard, ajoutons : ni économiquement ni technologiquement. Précédé par des travaux antérieurs, Guerres invisibles identifie les principaux risques géopolitiques et géoéconomiques auxquels la France, de ses forces armées à ses entreprises, est confrontée (2). Cela revient d’emblée à souligner une évidence : la distinction fondamentale entre conduites économique et diplomatico-stratégique : la première poursuit un objectif de création de valeur avec, principalement, des entreprises alors que la seconde se déroule « à l’ombre de la guerre » (3) et reste du ressort de l’État. En tendance, la première apporte les ressources à la seconde, car richesse et puissance vont toujours de pair. Il importe, dès lors, de savoir les distinguer pour mieux les conjuguer en fonction des circonstances.
Comme tout effort, cela implique constance et patience, deux traits qui semblent éloignés de notre époque. La crise provoquée par la Covid-19 oblige pourtant à revenir à la question fondamentale du sens de l’histoire dans la mesure où elle interroge la « faculté de conduire l’histoire » au niveau global et, plus prosaïquement, « la force de gouverner » au niveau national (4). Crise sanitaire dans ses causes et technologiques dans ses effets, la pandémie entraîne une redistribution de la puissance. Elle s’inscrit dans un cycle de confrontation cognitive, c’est-à-dire de mobilisation, d’orientation et de contrôle des cerveaux, avec pour finalité l’imposition de modèles de gouvernement et de comportement (5). C’est dans ce contexte qu’il convient d’établir une carte à la fois géopolitique et géoéconomique, susceptible d’aider au positionnement international de la France.
Les contours de l’analyse
La Guerre hors limites comme référence (6)
En 1999, Qiao Liang et Wang Xiangsui ont publié cet ouvrage, qui listait vingt-quatre types de guerres relevant des domaines militaire, supramilitaire et non militaire. Cette typologie permet d’envisager l’« addition-combinaison » de multiples registres d’action possibles. Vingt ans après la parution de ce livre, la Chine a ravi à l’Union européenne sa place de n° 2 sur la scène internationale et convoite ouvertement celle de n° 1. Grâce à un transfert industriel et technologique des États-Unis, d’Europe et du Japon vers la Chine, unique par son ampleur et sa rapidité, celle-ci conteste la suprématie de Washington. En mai 2020, le général Qiao Liang se demandait : « Mais en cas d’épidémie ou de guerre, un pays sans industrie manufacturière peut-il être considéré comme un pays puissant ? (7). »
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