Le Sahel est confronté à une guerre multiforme où s’entrechoquent conflits intercommunautaires et lutte contre le djihadisme. La France est engagée dans cette complexité avec une divergence stratégique croissante entre Paris et ses partenaires sahéliens. Il est nécessaire de revoir la stratégie française dans cette région.
Sahel : la France dans une guerre multiforme
The Sahel: France in a Many-Sided War
The Sahel is confronted by a many-sided war in which inter-community conflicts become enmeshed with the fight against Jihadism. France is committed within this complex environment, yet there is growing strategic divergence between Paris and its partners in the Sahel. French strategy in the region needs to be reviewed.
La France est un acteur historique au Sahel. Elle a été arbitre, médiatrice, gendarme et cobelligérante des conflits qui déchirent le Sahel depuis les indépendances. La guerre française au Sahel en cours est un avatar d’un cycle de conflits où elle est une actrice constante.
Mais cette nouvelle guerre a une spécificité : l’adversaire est une idéologie internationalisée et déterritorialisée, le jihadisme. Cette configuration inédite échappe aux schémas classiques des conflits post-coloniaux : luttes de pouvoir et guerres civiles qui se ponctuaient parfois (et trop souvent) par un appui décisif de la France (en 2011 les troupes de l’opération Licorne ont délogé Laurent Gbagbo) ou par un soutien discret (en 1989, au Tchad, la rébellion du jeune capitaine Idriss Déby renverse Hissène Habré).
Le jihadisme armé est entré au Sahel par le Mali. Au début des années 2000, les combattants les plus irréductibles du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) défaits par la décennie de guerre civile en Algérie s’installent dans le Sahara. Ils commencent une inexorable extension du domaine du jihad vers le sud, le Sahel. Ils prennent quartier dans le nord du Mali avec une forme de gentlemen agreement tacite avec le Mali, un pacte de non-agression. La position du président malien d’alors, Amadou Toumani Touré dit ATT était de considérer que « c’est un problème algérien ». « Mon pays est otage et victime. Ces gens ne sont pas Maliens. Ils sont venus du Maghreb avec des idées que nous ne connaissons pas… On nous fait un faux procès. En réalité, nous partageons avec nos voisins un territoire commun, le Sahel, qui couvre plus de 4 millions de kilomètres carrés, avec des menaces transfrontalières. Nous sommes, sur le plan géographique, au centre du dispositif : la partie désertique du Mali couvre 650 000 km2, un espace aussi vaste que la France. Nous devenons un pays de transit, confrontés à une histoire qui ne nous regarde pas. Le salafisme exacerbé n’est pas malien, il est maghrébin » défend le président Touré, dans un entretien avec Sabine Cessou du journal Libération, en octobre 2010.
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