Les services de renseignement ont dû s’adapter aux exigences de l’ordre international. Celui-ci évolue rapidement avec la résurgence des rivalités de puissances concurrentes et antagonistes. Les menaces se sont complexifiées et s’étendent sur des champs élargis. Les services devraient continuer à évoluer pour répondre à leurs autorités avec plus d’efficacité.
Les services de renseignement et la résurgence des rivalités de puissances
The Intelligence Services and the Resurgence of Power Rivalry
Intelligence serivices have had to adapt to the demands of an international order which is developing rapidly with the resurgence of concurrent and antagonistic power rivalries. Threats have become more complex and cover broader fields. The services have to continue to evolve in order to serve their controlling authorities more effectively.
L’accession de la Chine au rang de première puissance économique mondiale, les démonstrations de force de la Russie et l’affirmation croissante de puissances régionales telles que l’Iran ou la Turquie marquent une résurgence de la compétition de puissance comme déterminant de l’ordre international. Les services de renseignement sont historiquement héritiers de cette configuration stratégique qui, en dépit de sa nature multipolaire, semble faire écho à la guerre froide. Après deux décennies d’une séquence stratégique dominée par la lutte antiterroriste, il convient d’interroger les conséquences de cette résurgence des jeux de puissance sur l’action des services de renseignement.
De la guerre totale à la guerre sans fin : le triple héritage des services de renseignement
Prendre la mesure des adaptations actuelles nécessite de saisir la nature des transformations passées. Les services de renseignement des États occidentaux contemporains portent un triple héritage. En premier lieu, celui de la Seconde Guerre mondiale. Au cours du XXe siècle, le développement technique, la rapidité croissante des communications et des mobilités ont transformé la conflictualité et accru le rôle et les capacités d’action des services de renseignement. L’avancée du renseignement électromagnétique (ROEM), du renseignement d’origine image (ROIM), de la cryptographie ou encore le déploiement de l’action clandestine, se sont révélés déterminants dans la conduite des hostilités du premier, et plus encore du second conflit mondial (1). Les acquis de la Seconde Guerre mondiale ont contribué à institutionnaliser définitivement l’action des services de renseignement dans les États occidentaux modernes, alors que les prémices de la décolonisation et l’amorce de la guerre froide redéfinissaient peu à peu le périmètre de leurs activités.
Le second héritage des services contemporains est bien entendu celui de la guerre froide. Les organismes issus de la guerre ont été réformés, restructurés, parfois remplacés, afin de répondre aux nouvelles nécessités opérationnelles imposées par l’antagonisme entre les États-Unis et le bloc soviétique. Ce nouveau contexte stratégique commande aux États occidentaux de préserver l’intégrité du territoire national en évaluant les capacités de l’Union soviétique et du pacte de Varsovie grâce au renseignement militaire. Il nécessite par ailleurs d’acquérir une expertise des systèmes politiques des régimes communistes du bloc de l’Est grâce au renseignement politique. En France, les soviétologues peuplent ainsi le « secteur D » du service R2 de la Direction du renseignement (DR) du service de documentation extérieur et de contre-espionnage (SDECE), ancêtre de la DGSE, chargé de l’orientation du recueil et de l’analyse du renseignement sur le bloc socialiste (2). La guerre froide repose également sur la conduite d’une politique de dissuasion nucléaire qui implique de préserver l’étendue de cette expertise et sa diffusion à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières, par le contre-espionnage et la contre-prolifération. La sub version communiste intérieure doit aussi être endiguée par la surveillance du territoire. Enfin, il importe de contenir à l’étranger les mouvements insurrectionnels résultant de la guerre d’influence et de la guerre par intermédiaire que se livrent les deux grandes puissances par la contre-subversion et le contre-terrorisme (3).
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