Editorial
Éditorial
Été 1990, dans la torpeur estivale, Saddam Hussein envahit le Koweït, le richissime État pétrolier, au mépris du droit international. Très vite, sous la houlette des États-Unis, une coalition militaire va s’installer en Arabie saoudite pour y préparer une offensive en vue de reconquérir le pays sous occupation irakienne. Après une longue campagne aérienne, l’attaque terrestre dura à peine une centaine d’heures, voyant la déroute complète d’une armée alors considérée comme la « quatrième du monde » au regard de ses moyens et de ses effectifs.
La guerre du Golfe marque une double rupture. Elle se déroule alors que la guerre froide, qui avait construit les armées des deux blocs, venait de s’achever avec l’effondrement du modèle soviétique. Elle va provoquer une prise de conscience, notamment pour la France, sur une relative obsolescence de son propre modèle toujours construit pour la bataille de la frontière tout en étant active en Afrique avec des capacités légères et limitées. Trente ans après, le Service historique de la Défense a eu la judicieuse idée d’organiser un colloque dont la RDN publie les actes dans ce numéro de rentrée. Il ne s’agit pas ici de refaire l’histoire de ce conflit, mais bien de présenter les enseignements tirés en particulier pour notre défense, et le lecteur retiendra que ceux-ci ont été particulièrement importants, amenant à une refonte quasi complète de notre organisation et du fonctionnement – hors dissuasion – amenant notamment à la professionnalisation et à l’interarmées. De nombreux organismes ou commandements ont été créés, alors, pour répondre aux défaillances constatées. Ce sont par exemple la DRM, le COS, la DAS devenue DGRIS, le COIA transformé en CPCO ou encore le CID rebaptisé École de Guerre, tous au cœur de notre système de défense aujourd’hui.
Autre point majeur qui ressort et qui fait écho à l’environnement géopolitique actuel : la guerre du Golfe a été un conflit de haute intensité et il importe maintenant de retrouver cette aptitude à combattre dans un environnement beaucoup moins permissif. La relecture des leçons tirées est donc plus que pertinente pour réfléchir aux nouvelles exigences pour notre défense et aux choix qui se présenteront dans les années à venir. Car ce trentième anniversaire est également complété par le vingtième anniversaire du 11 septembre, qui a ouvert une guerre de vingt ans en Afghanistan, et dont la conclusion a été dramatique et pitoyable cet été avec la chute de Kaboul. Là encore, il y aura beaucoup à étudier et comprendre – la RDN y reviendra bientôt – sur cet échec, alors même que nos forces poursuivent leur mission de lutte contre les groupes terroristes au Sahel tout en se réorganisant.
Réfléchir à la guerre du Golfe, analyser la guerre de vingt ans des États-Unis, mais aussi regarder froidement le panorama stratégique avec la compétition frontale entre Washington et Pékin (dont la France vient de faire les frais par le choix brutal de l’Australie de rompre le contrat des sous-marins « Shortfin Barracuda »), l’absence de volonté de dialogue de la part de Moscou, les évolutions internes à l’Union européenne, dont l’élection allemande marquant la fin de l’ère Merkel, alors même que la France entre en campagne présidentielle. Autant d’enjeux décisifs pour demain. ♦