La guerre du Golfe a été l’occasion pour Washington d’entrer dans l’ère des coalitions ad hoc et d’imposer de fait les normes américaines tant dans l’organisation du commandement, la conception des opérations puis leur conduite, avec cependant des difficultés liées à l’interopérabilité et au manque de concertation.
La guerre du Golfe vue de Washington : les enjeux de la guerre en coalition
The Gulf War Seen from Washington: the Challenges of Coalition Warfare
The Gulf War was the opportunity for Washington to enter the era of ad hoc coalitions and in doing so to impose American standards upon them in terms of command structure and the concept and conduct of operations, never mind the difficulties arising from interoperability issues and lack of dialogue.
Dès les premiers jours suivant l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, le 2 août 1990, la mise sur pied et le maintien d’une large coalition ont constitué l’un des principaux axes de la gestion de cette crise par l’Administration du président George H. W. Bush. Deux raisons expliquaient ce choix. Tout d’abord, la légitimation internationale de la réponse américaine nécessitait l’implication du plus grand nombre possible de partenaires, notamment arabes, mais aussi des alliés occidentaux, à commencer par la France et le Royaume-Uni, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Ensuite, la protection des pays arabes contre une éventuelle offensive de Saddam Hussein requerrait le déploiement de forces substantielles et, par conséquent, une étroite coopération avec ces pays. L’entreprise s’est finalement soldée par un succès remarquable et, en dépit de ses spécificités, fut fondatrice à bien des égards de l’ère des opérations extérieures en coalition de la période post-guerre froide.
La mise sur pied et la conduite de la coalition
Les États-Unis avaient évidemment la pratique de l’Otan, mais l’exercice de montage d’une coalition revêtait un caractère totalement novateur à l’époque, quarante ans après celle de la guerre de Corée, qui servit d’ailleurs de référence chez les décideurs américains. Sur le plan militaire, il n’existait en la matière aucune « doctrine » pour mettre sur pied une telle organisation.
La priorité fut tout d’abord donnée à la coopération avec Riyad. La montée en puissance de l’opération Bouclier du Désert (Desert Shield) se traduisit par la mise sur pied de la structure de commandement dans les deux semaines suivant l’invasion du Koweït. Même si la présence militaire américaine dans la zone n’était alors pas permanente, l’affaire fut rondement menée, car les commandeurs du Central Command (CENTCOM), commandement opérationnel régional en charge de l’action américaine, créé en 1983 et basé à Tampa en Floride, considéraient l’Irak comme la menace émergente depuis quelques années déjà et avaient commencé à construire des partenariats avec des pays de la zone (1). Dans le contexte géopolitique d’alors, il n’était pas question de placer les forces saoudiennes sous commandement américain. Américains et Saoudiens convinrent donc de deux chaînes de commandement séparées : celle américaine, sous l’autorité du Commander-in- Chief Central (CINCCENT), le général Norman Schwarzkopf (2), et celle saoudienne, le Joint Force Command (JFC), sous les ordres du général Khaled Bin Sultan.
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