L’effondrement brutal de l’Irak a été un traumatisme pour Pékin qui prenait alors conscience de l’obsolescence de son système militaire basé sur le modèle soviétique, à l’instar de l’armée irakienne. La Chine a alors entamé une transformation profonde de ses forces en copiant dès lors les principes et équipements américains.
La guerre du Golfe vue de Pékin : une question existentielle
The Gulf War Seen from Beijing: an Existential Question
The brutal collapse of Iraq was a traumatic experience for Beijing, highlighting the obsolescence of its military system based on the Soviet model, as were the Iraqi forces. China then began fundamental transformation of its forces, from then on copying the principles and equipment of the Americans.
Alors que nombre de commentateurs présagent que les États-Unis s’engageront dans une guerre longue et meurtrière contre une armée irakienne aguerrie par huit années de combats contre l’Iran, la guerre du Golfe apporte la démonstration époustouflante d’une supériorité technologique, tactique et stratégique américaine qui annihile totalement l’adversaire. La destruction de l’armée irakienne, construite sur le modèle soviétique et ressemblant beaucoup à l’armée chinoise, mais avec des armements plus modernes, traumatise les dirigeants du Parti communiste à Pékin. Elle inspire une profonde réforme des armées et de l’industrie de défense, l’Armée populaire de libération (APL) lançant des études approfondies sur les doctrines et technologies militaires américaines pour élaborer une « révolution dans les affaires militaires avec des caractéristiques chinoises ». À Pékin, la technologie militaire devient soudain une question stratégique, renversant le concept millénaire selon lequel la stratégie l’emporte sur la technologie, permettant au faible de l’emporter sur le fort (1).
Les intérêts de Pékin dans le golfe Persique
Dès l’Antiquité, Bagdad et la Perse constituent des étapes de la route de la soie de la Chine vers l’Europe. Pour autant, la République populaire de Chine est absente de la région jusqu’à la fin des années 1970. Après la chute du Shah d’Iran, allié des États-Unis, puis l’invasion soviétique de l’Afghanistan, Pékin s’inquiète des progrès de l’influence de l’Union soviétique qu’elle considère comme son principal ennemi. L’agression de l’Irak de Saddam Hussein contre l’Iran, en septembre 1980, contrarie l’URSS qui cherche à établir de bonnes relations avec Téhéran, alors que Bagdad demeure un allié privilégié dans le monde arabe depuis 1972. Moscou suspend alors ses livraisons d’armes à Bagdad, sans pour autant gagner les faveurs de Téhéran qui rejette les offres soviétiques.
La Chine en profite pour remplacer l’URSS en Irak, fournissant près du tiers des armes achetées par ce pays durant les huit années de guerre contre l’Iran. Craignant que Téhéran n’exporte la révolution islamique en Irak chiite et en Afghanistan, Moscou reprend ses exportations d’armes à Bagdad entre 1986 et 1988, fournissant 2 000 chars, 300 chasseurs, des missiles balistiques Scud B et de l’artillerie lourde pour un montant de 9 milliards de dollars (2). Ces livraisons permettent une contre-offensive irakienne qui évite la défaite de Saddam Hussein. Parallèlement, Moscou développe ses relations dans le domaine économique et celui du renseignement avec Téhéran. Pékin réagit en vendant à son tour des armes à l’Iran via la Corée du Nord (3). Si les intérêts chinois dans ces exportations d’armes sont principalement économiques, Pékin cherche aussi à contrer Moscou, soupçonné de rechercher un accès à l’océan Indien via le Baloutchistan, une province irrédentiste du Pakistan qui est partenaire de la Chine. Pékin, Islamabad et Washington soutiennent les Moudjahidine contre l’Armée rouge en Afghanistan.
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