Après la construction de la dissuasion nucléaire par le général de Gaulle, un des fondamentaux de la Ve République, la guerre du Golfe marque une mutation de la politique de défense de la France. Trente ans après, le cycle de réformes s’achève, obligeant à envisager une nouvelle phase pour le projet stratégique national.
La mère de toutes les réformes : la guerre du Golfe et la politique de défense française
The Mother of all Reforms: the Gulf War and French Defence Policy
Following General de Gaulle’s creation of the nuclear deterrent, a founding principle of the Fifth Republic, the Gulf War marked a change in French defence policy. Thirty years later, the cycle of reform has been completed and it is time to envisage a new phase of the national strategic plan.
La guerre du Golfe a eu un impact majeur sur la défense française. En légère avance de phase sur la fin officielle de la guerre froide, ce conflit est emblématique d’une ère stratégique nouvelle. Il oblige à une révision en profondeur de la politique militaire de la France marquée par trente ans de continuité dans la mise en œuvre des principes arrêtés par le général de Gaulle au début des années 1960. Sous la Ve République, un deuxième cycle de réformes s’engage pour les armées françaises qui entraîne d’importantes révisions doctrinales, des changements majeurs d’organisation et une complète remise à plat de l’outil militaire.
Pour les États-Unis, comme l’a montré avec perspicacité à l’époque Alain Joxe (1), la guerre du Golfe a été un terrain d’expérimentation de leur nouvelle doctrine stratégique et un test de leurs capacités technologiques, ainsi que de leurs moyens militaires. Au sortir de la guerre froide, elle apporte la démonstration de leur absolue supériorité militaire. Pour la France, ce conflit provoque un bouleversement de sa politique de défense en remettant en question nombre des principes sur lesquels celle-ci était établie. L’expérimentation de nos capacités opérationnelles n’a toutefois pas été recherchée, mais subie. Le choc en retour n’en a été que plus violent. Non seulement, à l’occasion de ce conflit, les responsables politiques et militaires prennent conscience du basculement dans une « nouvelle réalité » de la guerre que ce conflit annonce, comme parangon des futures interventions militaires de l’Occident, mais ils mesurent aussi l’état d’impréparation des forces et la nécessité d’un rattrapage technologique des équipements conventionnels des armées françaises.
La défense française en état de choc
La guerre du Golfe prend la France par surprise. Le président de la République François Mitterrand décide de s’opposer, au nom du droit international, à l’annexion du Koweït par l’Irak et d’engager nos armées dans une coalition pour rétablir la souveraineté de ce pays à partir d’un jugement qui, pour intuitif qu’il ait été au départ, n’en est pas moins solidement fondé : le monde est en train de changer. La nouvelle donne stratégique devrait permettre de mieux équilibrer les rapports de force entre les États par la mise en œuvre des principes de la Charte des Nations unies, notamment en matière de sécurité collective. Pour être partie prenante de la définition d’un nouvel ordre international mieux régulé et de sa gouvernance future, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ne peut pas rester l’arme au pied. Elle participera donc à l’intervention militaire autorisée par l’ONU pour libérer le Koweït.
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