La guerre du Golfe a obligé la France à revoir sa position face à l’Otan. La volonté française d’une Europe plus autonome pour sa défense a été contrecarrée tant par les États-Unis que les autres pays européens, peu enclins à appuyer les projets de Paris, développant ainsi une contradiction croissante entre ambitions et réalités.
Les effets de la guerre du Golfe sur le positionnement de la France à l’égard de l’Otan
Effects of the Gulf War on France’s Position with Regard to NATO
The Gulf War obliged France to review its position with respect to NATO. The French wish for a more autonomous approach to the defence of Europe was thwarted by both the United States and other European countries with little desire to support projects emanating from Paris, therefore creating growing contradictions between ambition and reality.
Entre août 1990 et mars 1991, la crise puis la guerre du Golfe marquent l’entrée de plain-pied de la France dans l’après-guerre froide, cristallisant tous les espoirs, mais aussi tous les défis et dilemmes qui accompagnent ce basculement. Sur fond de redéfinition du rôle de l’ONU et de « nouvel ordre mondial », la politique étrangère française oscille entre la préservation de l’indépendance nationale, l’exigence de la solidarité atlantique et la relance de la construction européenne. À ces trois échelles, la guerre du Golfe fait surgir un puissant « effet de réel » au sein des négociations institutionnelles alors en cours, et favorise, non sans heurts ni ambivalences, une adaptation plus pragmatique de la stratégie de défense française aux nouvelles réalités politico-militaires. À partir d’août 1990, la crise du Golfe vient bousculer les débats institutionnels et largement théoriques alors en cours.
Les desseins contrariés de Paris
La priorité pour la France en 1990 va à la poursuite de la construction européenne, en tant que réponse la plus pertinente à la réunification allemande et à la perspective plus lointaine et incertaine de celle des deux Europe. Dans ce cadre, l’économie et les enjeux monétaires jouent un rôle clé, mais un espace se fait jour pour la défense européenne au sein de l’Union politique en gestation. Dans le sillage des conceptions gaulliennes de la « détente », les autorités françaises anticipent un retrait progressif des États-Unis du Vieux Continent. Ainsi, la défense européenne doit à la fois, dans l’esprit des décideurs français, permettre et pallier le vacuum de sécurité laissé par les deux superpuissances en Europe.
Toutefois, la vision française se heurte rapidement à celle des États-Unis qui ne cachent pas leur volonté de conserver la prééminence sur les affaires stratégiques en Europe, afin de s’assurer de la stabilité de cette dernière et de son voisinage, de conserver un point d’appui majeur en Eurasie et le soutien des Européens pour d’éventuelles opérations « hors-zone » (1), enfin d’obtenir un droit de regard sur la restructuration des outils de défense européens, notamment sur leurs choix industriels. Immanquablement, deux conceptions du partage du fardeau transatlantique s’affrontent dès les premiers mois de 1990, laissant la France relativement isolée sur la scène européenne, malgré un soutien allemand de circonstance, étroitement corrélé aux avancées des négociations sur l’Union monétaire.
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