La fin de la guerre froide et la guerre du Golfe sont concomitantes. Les budgets consacrés à la défense ont alors entamé une décroissance surnommée « les dividendes de la paix ». Les conséquences pour la France ont été le non-respect des lois de programmation militaire, la baisse et le vieillissement des équipements.
Le financement des armées au sortir de la guerre du Golfe et de la guerre froide
Financing the Forces Following the Gulf War and the Cold War
The end of the Cold War was concomitant with the Gulf War. Defence budgets suffered reductions in the name of the peace dividend. The consequences for France were abandonment of the existing military programming laws, and the ageing and reduction in levels of equipment.
Depuis le début des années 1980, les budgets de défense ont une cyclicité assez marquée avec des ruptures de tendance toutes les décennies environ. Communément appelée « décennie des dividendes de la paix », la période des années 1990 qui s’est ouverte avec la fin de la guerre froide et de la guerre du Golfe, et qui s’est terminée en 2002 avec l’engagement français en Afghanistan constitue une forme d’anomalie budgétaire. Elle révèle aussi la logique de transformation des forces armées qui a des besoins différents parce que la menace est différente et probablement perçue comme moins forte que par le passé (1). Dans le même temps, l’économie française subit un certain nombre de chocs adverses, ce qui conduit à une dépendance budgétaire accrue à la conjoncture économique. En définitive, l’ensemble de ces contraintes a conduit à une forte réduction du budget de défense, en particulier des dépenses d’équipement. Cependant, la baisse observée en France a été d’une ampleur plus faible que dans d’autres grandes puissances occidentales, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni.
Il est important de rappeler que la guerre du Golfe se confond, à quelques mois près avec la fin de la guerre froide. D’un point de vue budgétaire, il est quasiment impossible de distinguer, à l’échelle macroéconomique, les deux événements. Néanmoins, l’intuition derrière cette analyse est que la dissolution de l’URSS a été de nature à bouleverser durablement les équilibres stratégiques et économiques. Pour mesurer l’évolution de la « demande de défense », les économistes utilisent comme indicateur le budget alloué à la défense, ainsi que sa composition. La logique de moyens ainsi retenue permet, à la suite de Smith, d’appliquer une double grille de lecture, à la fois stratégique et économique (2). Les enjeux stratégiques déterminent un besoin de défense, ce qui se mesure par l’implication dans des conflits et des opérations de maintien de la paix, par l’appartenance à des alliances ou encore par l’existence d’un ennemi conduisant à une forme de course à l’armement. Les enjeux économiques incluent quant à eux la sensibilité à la conjoncture économique (mesurée par la croissance économique), mais aussi les tensions liées à des arbitrages politiques. De ce point de vue, le cycle budgétaire ouvert par la guerre du Golfe est-il différent, ou atypique, par rapport à d’autres périodes ?
Une rupture budgétaire marquée
En matière de budget de défense, peu d’événements auront une incidence aussi forte que la fin de la guerre froide. La période des années 1990 est hors norme au sens où deux facteurs jouent défavorablement pour le budget de défense : la crise économique persistante ainsi que la politique économique restrictive se conjugue avec un sentiment de paix généralisée associé aux dividendes de la paix, observés pour les grandes puissances occidentales.
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