La Belgique, après avoir largement baissé son effort de défense, a décidé de mettre à jour sa vision stratégique 2030 et de réfléchir aux moyens nécessaires. La principale difficulté sera d’ordre politique avec les choix budgétaires à faire pour redresser une situation très fragilisée dans un pays peu intéressé par sa défense.
Vision stratégique de l’Armée belge : l’adaptation (partie 1)
Faisant suite à l’évolution de l’environnement géopolitique international, mais aussi d’un nouvel accord de gouvernement d’une coalition heptapartite (dite « Vivaldi ») (1) le 30 septembre 2020, le cinquième ministre de la Défense en moins de deux ans fut Ludivine Dedonder (PS), la première femme à cette fonction dans l’histoire de la Belgique. Elle a dû s’atteler cette année à la mise à jour de la Vision stratégique 2030 pour la Défense (2) qui fut analysée en 2014-2015 et adoptée en 2016, et de la Loi de programmation militaire (LPM) qui en découla, en balisant les importants investissements en équipements prévus pour la Défense. La LPM comprend l’achat d’avions de combat, drones, blindés, chasseurs de mines et frégates pour un montant de 9,4 milliards d’euros, dont une majorité est désormais engagée, quand bien même assez vite des discussions parlementaires eurent lieu à propos de l’évolution du budget de la défense belge. Relevons que la LPM n’est pas juridiquement contraignante puisque les crédits alloués à chaque programme doivent être inscrits annuellement dans le budget (3). Sujet d’autant plus épineux que la Belgique est l’un des plus mauvais élèves de l’Otan.
Assez vite, l’insistance de la ministre alla aux priorités de son mandat pour le recrutement et à la modernisation des postes de travail, des infrastructures (76 millions en 2021) et du matériel (pour près d’un milliard en 2021) ; le tout visant aussi à créer de l’attractivité, la Défense étant confrontée aux départs massifs à la retraite de la génération de militaires et de civils en pleine maturité, « baby-boomers », personnes nées entre 1946 et 1964. L’armée belge serait sur une trajectoire qui pourrait la faire passer sous la barre des 20 000 hommes. La solution complexe serait d’arriver à recruter 2 500 militaires cette année et 10 000 sur la législature, tout en cherchant à faire passer à 15 % la proportion de civils de la Défense, au lieu des 5 % actuels.
De manière originale, la ministre chargea un groupe de 10 académiques provenant des universités belges avec un « équilibre » du genre, de langue et d’établissements supérieurs, pour travailler (non rémunérés) sur deux thématiques à échéance du 31 mai dernier : l’environnement de sécurité 2021-2030 et des recommandations autour de la mise à jour de la Vision stratégique 2030. S’y ajoutèrent deux coordinateurs, un civil et un militaire, chargés d’animer et de piloter les travaux : le professeur de l’UCLouvain Tanguy Struye de Swielande et le colonel Éric Kalajzic, titulaire de la chaire de politique mondiale de l’École royale militaire (ERM) puis détaché à l’IRSD le 4 janvier 2021. Relevons, entre autres, la présence du Belge Joseph Henrotin bien connu dans l’Hexagone, Sven Biscop (Egmont Institute) et de Delphine Resteigne, sociologue Défense à l’ERM. Les deux coordinateurs ont, sur base des discussions et des textes proposés en fonction des champs de recherche des uns et des autres, rédigé des textes qui étaient commentés et où des contre-propositions furent faites jusqu’à atteindre un consensus entre les 12 membres du groupe. Les travaux et discussions (à distance ou en présentiel) pratiquement toutes les semaines, avec l’appui d’exposés faits par des experts extérieurs invités, ont été menés en anglais pour « se faciliter la vie », certains ne maîtrisant pas le néerlandais et il n’était pas question de donner l’impression que le néerlandais était négligé.
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