Les collectivités françaises d’Océanie sont des actrices essentielles dans la zone indo-pacifique. C’est un atout de premier plan à condition qu’elles participent pleinement à la définition d’une stratégie globale au cœur d’une des zones où le monde se fait aujourd’hui. L’État doit s’appuyer sur cette puissance insulaire.
Les collectivités françaises d’Océanie, actrices et atouts en Indo-Pacifique
French Overseas Territories in Oceania—the Players and their Advantages in Indo-Pacific
The French overseas territories in Oceania are vital players in the Indo-Pacific region. This affords them a great advantage, as long as they play their full part in the definition of an overall strategy to cover the very heart of a region around which today’s world is being shaped. The state should build upon this insular power.
Dans la définition de leur stratégie Indo-Pacifique (I-P), la France et les États-Unis sont les deux seules puissances du Conseil de sécurité des Nations unies à exercer leur souveraineté sur des territoires insulaires distants de plusieurs milliers de kilomètres de leurs littoraux continentaux (1). Si les deux pays doivent compter avec des collectivités politico-administratives insulaires comparables à celles de leur métropole (La Réunion, Mayotte, Hawaï), ils ont également des archipels ayant des compétences de gouvernance très particulières (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, Samoa américaines, Guam, Mariannes du Nord). À cette complexité institutionnelle commune, s’est ajoutée pour la France la singularité d’être sise dans les deux bassins océaniques. Ces réalités géographiques et constitutionnelles s’imposent à tous ceux qui ont à Paris et Washington la tâche de décliner dans la durée et de manière opérationnelle le concept I-P de leur pays. Autrement dit, il paraît difficile de faire de l’I-P, a fortiori dans le Pacifique, sans les collectivités territoriales et leurs représentants tout en sachant que chacun regarde le passé, le présent et la projection dans le futur de manière différente, voire divergente. Une réalité politique, identitaire et affective demande une excellente compréhension mutuelle, des attendus comme des objectifs ou moyens à mobiliser. C’est un langage commun à inventer dans un contexte où les États parlent géopolitique et sécurité, et les territoires insulaires solidarités et défis communs. Attention néanmoins à ne pas juxtaposer les calculs stratégiques froids aux émotions et fraternités océaniennes puisqu’il s’agit d’orchestrer des actions réticulées.
Si dans les premiers temps d’implémentation, les ministères de la Défense et des Affaires étrangères ont défini leurs politiques et leurs moyens sur la base des visions de puissance des capitales et de considérations géopolitiques, il est devenu de plus en plus prégnant de préciser non seulement quelle est la place des territoires ultramarins dans la manœuvre stratégique d’ensemble, mais également leurs contributions propres à l’échelle des bassins maritimes. Au fil du temps, les collectivités insulaires s’imprègnent des objectifs I-P des pouvoirs publics centraux et font savoir urbi et orbi leurs désirs d’en être pleinement parties prenantes et de ne pas apprendre les orientations par voie de presse. Toutefois, depuis ses origines le concept I-P a été pensé de manière très étato-centré. Les Outre-mer n’ont été souvent pris en compte que comme des démultiplicateurs de puissance apportant l’ampleur de leurs aires maritimes, les sièges octroyés en leur nom dans des organisations (sous-) régionales ou encore de nombreux points d’appui aéromaritimes aux forces armées pour agir dans le Pacifique et vers l’Asie. L’I-P n’en est pas pour autant une vision éthérée où les Outre-mer ne joueraient qu’un rôle marginal. À sa propre échelle territoriale, la République française peut d’ailleurs construire des stratégies « indo-pacifique » par des coopérations renouvelées entre ses collectivités des deux bassins océaniques, mais aussi par l’entremise de chacune de ses cinq entités insulaires. Dans cette perspective, ne pas prendre pleinement en compte l’existence de pouvoirs exécutifs aux compétences élargies en matières économiques, environnementales, voire de relations extérieures (exemples de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française), serait se priver sur la scène internationale des relais d’influence offerts par un tissu très dense d’interactions politiques, économiques et sociales.
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