Novembre 2021 - n° 844

L'Indo-Pacifique : un espace stratégique sous tension

« Nos grands enjeux c'est aussi l'axe indo-pacifique (...) où nous sommes présents (...) où les impératifs stratégiques, la liberté, la souveraineté, dans l'océan Pacifique et l'océan Indien, sont une clé du jeu contemporain des grandes puissances. »

Emmanuel Macron
160 pages.

Le tsunami diplomatique provoqué par l’annonce brutale de l’alliance AUKUS formée par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, outre la perte du contrat pour la conception et la construction de douze sous-marins par Naval Group, a démontré que l’Indo-Pacifique était devenu le nouveau centre de gravité des affaires du Monde, sous fond de rivalité stratégique entre Pékin et Washington. Il est vrai que, vu depuis l’Europe, cette région du globe est située aux antipodes et donc loin des préoccupations des Européens, qui se sont construits depuis des siècles comme le nombril de la planète. Or, l’Indo-Pacifique de par sa croissance démographique, économique et géopolitique focalise désormais toutes les attentions. Lire la suite

  p. 1-1

L'Indo-Pacifique : un espace stratégique sous tension

Les États-Unis et la Chine sont entrés dans une période de confrontation entraînant une déstabilisation durable de l’Indo-Pacifique. C’est une compétition entre deux approches géopolitiques concurrentes, l’une privilégiant la dimension maritime et l’autre la voie terrestre plus facilement accessible pour la Chine. Lire les premières lignes

  p. 9-14

La France est une puissance régionale dans la zone indo-pacifique et de ce fait, un acteur important. Avec l’Union européenne, Paris veut accroître ses partenariats dans une démarche équilibrée et ambitieuse, récusant l’approche imposée par AUKUS (Australia, United Kingdom, United States). Lire les premières lignes

  p. 15-20

Les collectivités françaises d’Océanie sont des actrices essentielles dans la zone indo-pacifique. C’est un atout de premier plan à condition qu’elles participent pleinement à la définition d’une stratégie globale au cœur d’une des zones où le monde se fait aujourd’hui. L’État doit s’appuyer sur cette puissance insulaire. Lire les premières lignes

  p. 21-27

Le partenariat entre la France et le Japon est ancien et solide. Il s’est renforcé dans de nombreux domaines pour atteindre désormais une dimension stratégique, y compris dans le champ de la défense. La présence française en Indo-Pacifique renforce le besoin de coopération avec Tokyo dans le contexte actuel. Lire les premières lignes

  p. 28-34

Les ambitions chinoises sont désormais ouvertement affirmées et affichées, avec un éventail complet d’approches visant à renforcer les intérêts de Pékin. La toile d’araignée ainsi constituée veut irriguer tout particulièrement la zone indo-pacifique, en se confrontant aux États-Unis, l’autre puissance du Pacifique. Lire les premières lignes

  p. 35-39

Pendant des décennies, la France n’a pas eu une politique globale pour l’Indo-Pacifique, par manque d’intérêt prioritaire et par des échecs comme le retrait d’Indochine. Il y a un vrai changement depuis les années 2010 et une prise de conscience de l’importance de la zone et du besoin d’une approche française globale. Lire les premières lignes

  p. 40-44

La zone indo-pacifique comprend plusieurs enceintes régionales de dialogue et de coopération aux réalisations certes limitées. La France, en liaison avec l’UE, s’efforce d’intégrer cette architecture politique en tant qu’acteur local avec un objectif de prévention des crises dans une région en tension stratégique. Lire les premières lignes

  p. 45-50

La relation États-Unis–Chine est rentrée dans une nouvelle phase plus conflictuelle avec un rapport de force clairement assumé dans le Pacifique. Mais on peut s’interroger sur la pertinence de la stratégie américaine face à Pékin dont la démarche s’apparente davantage au jeu de go, qu’à la recherche du choc frontal. Lire les premières lignes

  p. 51-57

La route des Indes orientales est pratiquée depuis la nuit des temps. Depuis plusieurs millénaires, les marins ont parcouru ces voies maritimes, permettant une interconnexion depuis les civilisations asiatiques vers l’espace méditerranéen. Aujourd’hui, les détroits de l’Insulinde redeviennent centraux. Lire les premières lignes

  p. 58-67

La présence de la France dans l’Indo-Pacifique est une réalité politique et stratégique. Ses forces militaires contribuent à préserver l’intégrité de nos intérêts dans la région. Mais les moyens de nos armées devront être renforcés pour maintenir notre crédibilité en liaison avec nos partenaires. Lire les premières lignes

  p. 68-74

La piraterie reste une activité lucrative dans l’Indo-Pacifique avec un trafic commercial intense. De même, le pillage des ressources halieutiques s’accélère alors même que le réchauffement climatique modifie les équilibres régionaux et impose une coopération internationale accrue. Lire les premières lignes

  p. 75-82

Le sultanat de Brunei est certes un micro-État de par sa taille, mais il bénéficie d’importantes ressources en hydrocarbures, le faisant de ce fait un acteur important dans la géopolitique régionale. Bien que lié à la Chine, sa relation reste complexe avec Pékin pour un État vivant de sa rente pétrolière. Lire les premières lignes

  p. 83-87

Gouvieux 2021

Le Centre d’étude et de prospective stratégique (CEPS) contribue depuis trente-cinq ans à réfléchir aux grands enjeux géopolitiques et stratégiques pour mieux préparer l’avenir. Animé par son délégué général, Loïc Tribot La Spière, le CEPS s’appuie sur un formidable réseau d’experts et de passionnés de la Res Publica, dépassant les courants partisans et établissant ainsi un forum exigeant mais indispensable pour décrypter les affaires du Monde. Lire la suite

  p. 89-89

La situation sécuritaire au Sahel reste fragile, malgré les efforts fournis depuis plusieurs années dont l’opération Barkhane. Il faut désormais une approche plus globalisante, venant des pays africains avec une gouvernance plus efficace et mieux ancrée territorialement pour répondre aux besoins de leurs populations. Lire les premières lignes

  p. 91-94

Dans une France archipellisée et fracturée, la Gendarmerie se doit d’être présente au service de la population. D’où ses évolutions pour mieux répondre aux nouveaux défis sur le territoire, mais aussi dans le virtuel avec la lutte contre la cybercriminalité. La Gendarmerie est en mouvement pour protéger la nation. Lire les premières lignes

  p. 95-99

La France a été, et reste, une puissance légitime et crédible. Toutefois, celle-ci a évolué au fil de l’Histoire. Plus que jamais, le soft power français doit s’exprimer, bénéficiant de l’indispensable levier européen. Penser que la France peut rester seule est dès lors une illusion, voire un mensonge. Lire les premières lignes

  p. 100-107

La Marine, de par ses capacités, ses composantes et ses compétences, est capable de mener des missions allant du soft power au hard power. Cet éventail, fruit de décennies d’efforts est un atout majeur pour notre pays, puissance maritime et acteur global sur la scène internationale. Lire les premières lignes

  p. 108-114

La désoccidentalisation du monde est une réalité consacrant une rupture des équilibres traditionnels. La Méditerranée est ainsi redevenue un espace de rivalité où les acteurs jouent du rapport de force. À l’inverse, l’Europe semble bien atone et devient une proie désormais facile à conquérir. Lire les premières lignes

  p. 115-118

Repères

L’institution du préfet maritime est ancienne et a été mise en place par le premier consul en 1800. Renforcé par le décret de 2004, le PREMAR est un amiral – donc une autorité militaire – qui a des compétences civiles étendues, et dont l’action engage tous les moyens de l’État. Lire les premières lignes

  p. 119-122

L’École des mousses est une institution tant au service de la Marine que d’une jeunesse en difficulté. Recréé en 2009, cet établissement situé à Brest offre une opportunité éducative exceptionnelle s’appuyant sur un encadrement de grande qualité et dévoué à cette mission formant des marins responsables. Lire les premières lignes

  p. 123-128

Les opérations aéromaritimes ne se limitent plus au milieu océanique, mais doivent désormais prendre en compte les champs immatériels avec des stratégies hybrides exigeant un entraînement intensif. Cela bouleverse les approches classiques du combat naval et impose d’innover et anticiper. Lire les premières lignes

  p. 129-135

Approches historiques

L’étude des planifications opérationnelles soviétiques de 1964 et 1979 montre l’évolution de la dissuasion nucléaire française et la montée en puissance de sa crédibilité. C’était la traduction de l’effort consenti par la France pour assurer sa souveraineté et protéger ses intérêts vitaux dans le contexte de la guerre froide. Lire les premières lignes

  p. 137-142

Chronique

Bien que « capital ship » des marines au début de la Seconde Guerre mondiale, les cuirassés ont montré leur vulnérabilité face à l’aviation embarquée dès 1940. Pour autant, les marines mirent du temps à prendre en compte le déclassement de ces navires, quintessence de la construction navale depuis le milieu du XIXe siècle. Lire les premières lignes

  p. 143-146

Recensions

Christian Blanc : La Force des racines kanak en Nouvelle-Calédonie  ; Odile Jacob, 2021 ; 432 pages - Emmanuel Desclèves

Le préfet Christian Blanc s’est trouvé très directement impliqué dans les événements de Nouvelle-Calédonie, depuis le 1er décembre 1984 avec Edgard Pisani jusqu’à la conclusion des accords de Matignon en 1988 avec Michel Rocard. Lire la suite

  p. 147-148

Rémi Monaque : Trafalgar – 21 octobre 1805  ; Passés Composés, 2021 ; 393 pages - Thibault Lavernhe

21 octobre 1805. Une date honteuse, enfouie dans les sédiments de la mémoire nationale. Mais une date qui fait partie intégrale, qu’on le veuille ou non, de l’héritage impérial. Il est donc naturel qu’en cette « année Napoléon », le livre de référence de l’amiral Monaque sur la bataille de Trafalgar, initialement paru en 2005, soit réédité pour l’occasion. Fruit d’un travail minutieux, ce maître ouvrage restitue parfaitement cet archétype de la « bataille décisive » dans ses moindres détails, mais aussi dans son contexte – la fameuse « campagne de 1805 » destinée à porter un coup fatal à l’Angleterre – et dans ses conséquences. Il ravira aussi bien les amateurs d’histoire-bataille, les férus de tactique navale, les chercheurs versés dans l’anthropologie du combat, que les généralistes qui souhaitent mieux connaître cette tache indélébile qui reste « dans la marine un souvenir douloureux et une blessure mal cicatrisée ». Lire la suite

  p. 148-149

Marie-Danielle Demélas : Parachutistes en Algérie (1954-1958)  ; Éditions Vendémiaire, 2021 ; 660 pages - Claude Franc

Après avoir publié Parachutistes en Indochine, Marie-Danielle Demélas, professeur des universités émérite, poursuit son œuvre avec le premier tome des Parachutistes en Algérie, qui couvre les premières années de la guerre, jusqu’en 1958. Lire la suite

  p. 150-153

Michel Vial : Conan – Pierre Chateau-Jobert (1912-2005)  ; Indo Éditions, 2020 ; 211 pages - Pierre Brière

Lorsque l’on évoque le nom de Conan, on pense tout de suite au capitaine, héros du roman éponyme de Roger Vercel. Mais ici, il s’agit du nom de guerre d’un grand soldat français, le colonel Pierre Chateau-Jobert. Peu connu du grand public, cet officier parachutiste a un parcours de combattant hors du commun. Lire la suite

  p. 153-155

Raoul Delcorde : La Diplomatie d’hier à demain  ; Mardaga, 2021 ; 222 pages - Alexandre Trifunovic

Long sujet que la diplomatie, tant il s’agit d’une science ancienne, mais ancrée dans le présent. Et plus que jamais : l’actualité de ce mois de septembre 2021 nous l’a suffisamment rappelé, avec notamment la crise dite « des sous-marins » entre la France, l’Australie et les États-Unis, qui a provoqué – et ce fut une première – le rappel de l’ambassadeur français à Washington. Dans cet ouvrage, l’ambassadeur Raoul Delcorde réussit avec brio une brève (mais complète) histoire de la diplomatie des temps les plus anciens jusqu’aux défis que les temps actuels posent aux diplomates et à l’art de la négociation et de la diplomatie dans son ensemble. Très documentée, cette petite monographie de la diplomatie met l’accent sur tous les épisodes historiques qui ont marqué son histoire, tout en revenant précisément sur les différents aspects du métier de diplomate. Lire la suite

  p. 155-156

Revue Défense Nationale - Novembre 2021 - n° 844

L'Indo-Pacifique : un espace stratégique sous tension

The Indo-Pacific Region: a Strategic Space under Tension

The United States and China have entered a period of confrontation, which brings with it long-lasting destabilisation of the Indo-Pacific region. It amounts to competition between two rival geopolitical approaches, one favouring the maritime dimension, the other the land—more easily accessible to China.

France is a regional power in the Indo-Pacific, by dint of which it is a major player in the zone. Through the European Union, Paris is seeking to increase its partnerships in a balanced and ambitious approach, challenging that imposed by the AUKUS pact.

The French overseas territories in Oceania are vital players in the Indo-Pacific region. This affords them a great advantage, as long as they play their full part in the definition of an overall strategy to cover the very heart of a region around which today’s world is being shaped. The state should build upon this insular power.

France and Japan have an ancient and solid partnership. It has been developing in many areas to reach what is today a strategic dimension, which includes the field of defence. The French presence in the Indo-Pacific strengthens the need for cooperation with Tokyo in the current climate.

Chinese ambition no longer harbours any secret: it is now quite open and lays bare a full range of approaches aimed at broadening Beijing’s interests. The web thus created seeks to have influence over the Indo-Pacific region in particular, bringing it into confrontation with the United States, the other Pacific power.

France has for decades lacked any overall policy for the Indo-Pacific as a result of the region’s low priority and of setbacks such as the retreat from Indochina. There has nevertheless been real change since 2010, with recognition of the importance of the region and the need for a global French approach.

The Indo-Pacific region boasts a number of regional bodies for dialogue and cooperation, albeit they have achieved limited results. In liaison with the European Union, and as a regional player, France is making attempts to integrate this political structure with the aim of crisis prevention in a region subject to strategic tension.

Relations between the United States and China have entered a new phase of conflict, with clearly-stated aims for balance of power in the Pacific. One might nevertheless question the pertinence of American strategy with regard to Beijing, whose approach resembles more a game of Go than any search for direct confrontation.

The East Indies route has been sailed since the dawn of time. For millenia, seafarers have navigated these maritime routes which offer a connection between Asian civilisations and the Mediterranean region. The straits between the islands of South-East Asia are once again becoming a central issue.

French presence in the Indo-Pacific has both political and strategic dimensions. French military forces contribute to protecting our interests in the region. And yet our forces’ assets need to be strengthened if we are to maintain our credibility when working with our partners.

Piracy remains a lucrative activity in the Indo-Pacific region, given the intensive commercial traffic there. Likewise, the pillage of fish stocks is accelerating whilst at the same time climate change is upsetting regional balances and imposing greater international cooperation.

The Sultanate of Brunei is a micro-state in terms of size yet has the advantage of major hydrocarbon resources which make it an important player in regional geopolitics. Whilst it has links to China, its relations with Beijing are complex for a state which survives on its oil revenue.

Gouvieux 2021

The security situation in the Sahel remains fragile despite efforts made over many years, among which Operation Barkhane. A broader approach is now needed from African countries, with more effective governance, more closely linked to the territories concerned, in order to respond to the needs of their populations.

In the divided and fractured France of today, the Gendarmerie has a duty to be available to serve the population. Developments are therefore underway to allow better response to new challenges on the ground and also in the virtual domain—the fight against cyber crime. The Gendarmerie is working to protect the nation.

France was and remains a legitimate and credible power albeit the nature of this power has evolved throughout history. French soft power needs more than ever to make itself felt and benefit from the essential European lever. To think that France can remain alone, apart, is today an illusion; a lie, even.

By virtue of its capabilities, components and competences the Navy is able to conduct missions ranging from soft to hard power. This spectrum of action is the fruit of decades of effort and is a major asset to our country, a maritime power and major player on the international level.

The de-Westernisation of the world is the source of a break-up of traditional balances. The Mediterranean has once again become a stage upon which the actors are trading in rivalry and playing with force balances. In contrast, Europe appears voiceless and is fast becoming an easy prey to conquer.

Viewpoints

The age-old institution of the Maritime Prefect (Préfet maritime—PREMAR) was established by Napoleon, as Premier consul, in 1800. A role strengthened by a decree in 2004, the PREMAR is an Admiral—thus a military authority—who also has extensive civilian powers and whose actions can engage all assets of the state.

The École des mousses (the school for young seamen) is an institution that serves youth in difficulty as much as it serves the Navy. The establishment in Brest was recreated in 2009 to offer exceptional educational opportunities through calling upon high-quality staff devoted to their mission of training responsible sailors.

Maitime-air operations are no longer limited to the ocean environment and have now to take into account many intangible fields of military development, drawing on hybrid strategies which demand intensive training. It amounts to a shake-up of conventional approaches to naval combat and imposes the need to innovate and anticipate.

Historical Approaches

Study of Soviet operational plans from 1964 and 1979 reveals the development of the French nuclear deterrent and its growing credibility. It was an appreciation of the effort made by France to ensure its independence and to protect its vital interests during the Cold War.

Chronicle

Although battleships were the capital ships of navies at the start of the Second World War, from 1940 they showed their vulnerability to embarked aviation. Nevertheless, navies took some time to recognise that such ships, the quintessence of naval construction since the mid-nineteenth century, were outclassed.

Book Reviews

Christian Blanc : La Force des racines kanak en Nouvelle-Calédonie  ; Odile Jacob, 2021 ; 432 pages - Emmanuel Desclèves

Viewpoints

Rémi Monaque : Trafalgar – 21 octobre 1805  ; Passés Composés, 2021 ; 393 pages - Thibault Lavernhe

Marie-Danielle Demélas : Parachutistes en Algérie (1954-1958)  ; Éditions Vendémiaire, 2021 ; 660 pages - Claude Franc

Michel Vial : Conan – Pierre Chateau-Jobert (1912-2005)  ; Indo Éditions, 2020 ; 211 pages - Pierre Brière

Raoul Delcorde : La Diplomatie d’hier à demain  ; Mardaga, 2021 ; 222 pages - Alexandre Trifunovic

Revue Défense Nationale - Novembre 2021 - n° 844

L'Indo-Pacifique : un espace stratégique sous tension

Le tsunami diplomatique provoqué par l’annonce brutale de l’alliance AUKUS formée par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, outre la perte du contrat pour la conception et la construction de douze sous-marins par Naval Group, a démontré que l’Indo-Pacifique était devenu le nouveau centre de gravité des affaires du Monde, sous fond de rivalité stratégique entre Pékin et Washington. Il est vrai que, vu depuis l’Europe, cette région du globe est située aux antipodes et donc loin des préoccupations des Européens, qui se sont construits depuis des siècles comme le nombril de la planète. Or, l’Indo-Pacifique de par sa croissance démographique, économique et géopolitique focalise désormais toutes les attentions.

D’où ce dossier proposant des approches diverses, mais illustrant toute la richesse et la potentialité d’un espace où la France y est présente depuis près de trois siècles et où vivent environ 2 millions de nos concitoyens. Zone de fortes tensions militaires où la Chine affirme clairement des ambitions politiques, avec un objectif ouvertement affiché : être la première puissance mondiale en 2049, date du centenaire de la proclamation de la République populaire de Chine par Mao. Zone de rencontre de cultures et de civilisations millénaires où les échanges ont toujours existé par la voie maritime. Zone d’expansion économique imposant son rythme aux affaires du Monde.

D’où l’urgence d’une prise de conscience par les Européens que leur destin se joue en partie là-bas. Les conséquences de la crise sanitaire de la Covid-19 avec la dépendance du « Vieux Continent » aux importations asiatiques et la claque infligée par AUKUS commencent à réveiller les consciences et obligent Bruxelles à réagir. La France, puissance de l’Indo-Pacifique, s’efforce ainsi de développer une politique européenne tout en rappelant ses intérêts régionaux avec plus ou moins de succès.

Éclairant ce premier dossier, les onzièmes Conversations de Gouvieux, organisées début juillet par le CEPS, se sont interrogées sur le type de défense à l’avenir et présentent ici leurs conclusions. Car affronter les défis géostratégiques de demain oblige à penser notre défense dans le temps long. Il en ressort de ce fait l’importance croissante de la dimension maritime et pas exclusivement en Méditerranée, même si les tensions ne cessent d’y croître et du besoin de renforcer à la fois notre hard power – un des enjeux de la prochaine mandature présidentielle – mais aussi notre soft power, alors même que la France connaît une « archipellisation » de son opinion publique et une montée des individualismes qui s’exprime hélas au quotidien et que les forces de sécurité intérieure doivent prendre en compte.

Alors que les équipes de campagne s’engagent activement pour la présidentielle de 2022, il paraît clairement essentiel de sensibiliser l’opinion publique à ces enjeux stratégiques qui conditionnent notre vie quotidienne, notre sécurité et notre souveraineté. La tâche est difficile, tant l’Indo-Pacifique semble loin des préoccupations de l’électeur et que les questions de défense, avec des programmes s’inscrivant sur des décennies, sont loin de passionner les foules. Toutefois, cela reste indispensable et la RDN s’y emploiera dans les mois à venir. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Novembre 2021 - n° 844

L'Indo-Pacifique : un espace stratégique sous tension

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