La zone indo-pacifique comprend plusieurs enceintes régionales de dialogue et de coopération aux réalisations certes limitées. La France, en liaison avec l’UE, s’efforce d’intégrer cette architecture politique en tant qu’acteur local avec un objectif de prévention des crises dans une région en tension stratégique.
Enjeux de coopération de défense et de sécurité dans l’Indo-Pacifique pour l’Europe et la France
The Stakes for France and Europe in Defence and Security Cooperation in the Indo-Pacific
The Indo-Pacific region boasts a number of regional bodies for dialogue and cooperation, albeit they have achieved limited results. In liaison with the European Union, and as a regional player, France is making attempts to integrate this political structure with the aim of crisis prevention in a region subject to strategic tension.
Les stratégies indo-pacifique élaborées par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et récemment par l’Union européenne (UE) accordent toutes une place importante au soutien à apporter au multilatéralisme et aux enceintes régionales de coopération. Face aux risques d’hégémonisme, de bipolarisation et aux menaces non traditionnelles, la coopération multilatérale semble en effet pouvoir constituer un moyen efficient d’apaisement des tensions, de développement des capacités et de prévention des crises. La région indo-pacifique ayant été particulièrement prolifique en matière de création d’enceintes de coopération, nous nous attacherons tout d’abord à préciser le champ de la coopération tel que nous l’entendons dans le cadre de ce court article, à expliciter les enjeux pour les Européens, leurs ambitions, succès, mais également les limites qu’ils ont rencontrées en matière d’intégration dans les enceintes de coopération régionale et, enfin, à dessiner quelques pistes visant à compléter la démarche engagée.
Des enceintes régionales de dialogue et de coopération aux réalisations limitées
La coopération régionale en Indo-Pacifique est très différente de celle que nous connaissons en Europe. Les États de la région étant pour la plupart de création récente et tous marqués par l’expérience impérialiste des Européens ainsi que par des différends politiques et territoriaux issus de la colonisation ; le souverainisme y est exacerbé et la coopération régionale est de nature exclusivement intergouvernementale, fondée sur le consensus, sans structure ni ambition supranationale. La construction progressive d’une architecture régionale de coopération politique et en matière de sécurité dès les années 1960 est ainsi caractérisée par une certaine informalité, une faible structuration, une intégration et des réalisations modestes. La coopération en matière économique peut sembler plus avancée, mais elle n’a que rarement dépassé l’horizon de la libéralisation des échanges. Les coopérations les plus engageantes, celles qui portent sur des sujets sensibles et du haut du spectre n’apparaissant que dans un cadre bilatéral ou plurilatéral, ne seront pas abordées dans le présent article.
On peut diviser les enceintes de coopération régionale en deux grandes catégories : les organisations intergouvernementales qui couvrent un large éventail thématique – politique, économique, en matière de sécurité, de coopération technique, scientifique, de connectivité… – telles que l’ASEAN [Association of South East Asian Nations] (créée en 1967), le FIP [Forum des îles du Pacifique] (1971), la Commission de l’océan Indien (1982), la SAARC [South Asian Association for Regional Co-Operation] (1983) ou encore l’IORA [Indian Ocean Rim Association] (1997). Elles ont contribué à réduire les tensions intrarégionales, sans permettre de les résoudre néanmoins, et restent souvent minées par des divisions internes (rivalité indo-pakistanaise en ce qui concerne la SAARC, division en cours du FIP) et contraintes par le respect du principe de non-ingérence, comme l’illustre aujourd’hui la paralysie de l’ASEAN vis-à-vis de la crise birmane. Malgré ces faiblesses, ces organisations offrent un cadre politique favorisant la coopération sur des sujets techniques, aux enjeux souverains limités, et offrent également la possibilité de disposer d’une voix plus forte sur le plan international tout en dialoguant avec les grandes puissances. L’ASEAN est exemplaire à cet égard, elle a construit une architecture complexe de dialogue et de coopération avec de nombreux acteurs extérieurs.
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