L’étude des planifications opérationnelles soviétiques de 1964 et 1979 montre l’évolution de la dissuasion nucléaire française et la montée en puissance de sa crédibilité. C’était la traduction de l’effort consenti par la France pour assurer sa souveraineté et protéger ses intérêts vitaux dans le contexte de la guerre froide.
Dissuasion française : de « Neuf jours à Lyon » à « Sept jours au Rhin »
French Deterrence: from Nine Days to Lyon to Seven Days to the Rhine
Study of Soviet operational plans from 1964 and 1979 reveals the development of the French nuclear deterrent and its growing credibility. It was an appreciation of the effort made by France to ensure its independence and to protect its vital interests during the Cold War.
La dissuasion nucléaire semble susciter un regain d’intérêt dans le débat public et la recherche universitaire, ravivant la question fondatrice « sert-elle vraiment à quelque chose ? ». Au-delà du simple et toujours discutable constat d’absence de conflit nucléaire, une façon d’en juger est de s’interroger sur l’impact que cette dissuasion a sur l’adversaire : modifie-t-elle sa perception des enjeux de sécurité et le conduit-elle à amender ses comportements et ses plans dans un sens qui nous soit favorable ? Un regard sur l’évolution de la planification opérationnelle du pacte de Varsovie entre 1964 et 1979 semble confirmer que la dissuasion française a bien pesé, de manière positive pour la France, dans l’esprit des planificateurs soviétiques, à partir du moment qu’elle atteignit sa pleine capacité de seconde frappe.
Les forces du pacte de Varsovie, intégrées autour de celles de l’Union soviétique, furent positionnées à partir de la fin des années 1950 dans un schéma offensif en cas de conflit avec les États occidentaux. Alors même que la rhétorique soviétique, et le cadre « initial » des plans de guerre prévoyaient toujours que l’agression viendrait du monde capitaliste, les préparatifs du pacte de Varsovie furent après 1958 essentiellement offensifs et ceux de l’Otan défensifs (1).
Dans ce cadre, la position française fut particulière : membre du traité de l’Atlantique Nord, le pays fut également « en retrait » du commandement militaire intégré de l’Otan après 1966, à l’aboutissement d’une longue suite de désaccords franco-américains (2). La France n’en demeurait pas moins très impliquée dans la préparation de la défense collective de l’Europe de l’Ouest, les forces françaises constituant une des seules réserves immédiatement disponibles en cas de conflit pour le commandement de l’Otan en Europe, en attendant les renforts américains (3). Leur rôle dans le dispositif allié fut encadré après 1966 par des accords ad hoc entre la France et l’Alliance (4). Simplement, Paris conservait le dernier mot sur l’emploi de ses troupes et la pleine maîtrise de ses armes nucléaires, selon une politique qu’on pourrait résumer par « loyauté et non soumission » (5).
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