Bien que « capital ship » des marines au début de la Seconde Guerre mondiale, les cuirassés ont montré leur vulnérabilité face à l’aviation embarquée dès 1940. Pour autant, les marines mirent du temps à prendre en compte le déclassement de ces navires, quintessence de la construction navale depuis le milieu du XIXe siècle.
Histoire militaire - Mers el-Kébir, ou l’annonce du déclassement des cuirassés
Military History—Mers el-Kébir, or the Notice of Relegation of the Battleship
Although battleships were the capital ships of navies at the start of the Second World War, from 1940 they showed their vulnerability to embarked aviation. Nevertheless, navies took some time to recognise that such ships, the quintessence of naval construction since the mid-nineteenth century, were outclassed.
Dans toutes les marines du monde, les cuirassés, parfois dénommés bâtiments de ligne (appellation officielle des Richelieu et Jean Bart), ont – depuis la création des premiers vaisseaux permettant de mettre en batterie un nombre toujours croissant de canons de chaque côté du navire au temps de la marine à voile – toujours constitué le premier rang des flottes de guerre. Le système fut perfectionné par l’apparition du cuirassement de la coque à la fin du XIXe siècle. Il a donné lieu à la course aux armements navals anglo-allemande avant 1914 et, dès 1922, lorsqu’il se fut agi d’œuvrer pour éviter la répétition d’une nouvelle course aux armements, les conférences navales de Washington et de Londres se sont attachées à en limiter le tonnage. En 1939, avec des tonnages néanmoins toujours croissants, les cuirassés formaient l’ossature des flottes américaine, britannique, japonaise, française, italienne et allemande. Détail qui a son importance dans le cas qui nous occupe, il avait toujours été considéré précédemment, et l’intrusion inopinée d’un sous-marin allemand à Scapa Flow en 1939 n’a pas remis en cause cette certitude navale, que les ports ou les bases navales au fond des rades constituaient des abris où les bâtiments pouvaient accoster ou mouiller, en toute sécurité.
Jusqu’en juin 1940, entre les deux systèmes d’armes, le cuirassé et le porte-avions, c’est le premier qui recueillait les suffrages de toutes les amirautés, sentiment renforcé par la perte du porte-avions Glorious de la Royal Navy au large des côtes norvégiennes par deux navires de ligne allemands, le Scharnhorst et le Gneisenau, le 8 juin 1940.
Cette importance donnée aux cuirassés allait hanter Churchill, le rapport de forces navales entre la Royal Navy et la Kriegsmarine pouvant basculer dès lors que la Flotte française, pour une raison ou pour une autre, risquait de tomber sous contrôle allemand, en dépit des clauses plutôt rassurantes de l’armistice. En effet, l’âge des cuirassés britanniques plaçait la Royal Navy en situation défavorable tant que l’intégralité du programme King George V ne serait pas entrée en service. C’est ce constat qui allait conduire à la décision prise par Churchill de détruire les cuirassés français à Mers el-Kébir. Y étaient alors accostés les Dunkerque et Strasbourg, et le cuirassé Lorraine, plus ancien.
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