La notion d’état d’urgence a évolué ces dernières années avec des approches juridiques plus élaborées, tenant compte de nouvelles contraintes de sécurité. La crise sanitaire de la Covid-19 l’a illustrée, introduisant des dispositions innovantes tout en préservant la liberté individuelle, fortement scrutée par le juge.
Retour d’expérience juridique sur l’urgence dans tous ses états
Legal Lessons Learned from Emergencies of all Kinds
The notion of a state of emergency has evolved in recent years, with more elaborate legal measures that take into account new security constraints. The Covid-19 health crisis has been an illustration of this—innovative arrangements have been introduced that have been thoroughly scrutinised by judges to ensure that individual freedom is preserved.
L’équilibre raisonnable entre sécurité et liberté est celui affiché, au profit de la sécurité, hissée tardivement et difficilement au niveau normatif des libertés, et cet affichage est initialement celui de la loi Peyrefitte « Sécurité et liberté » du 2 février 1981. On a retenu cette célèbre formule prononcée par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 11 juin 1980 dans le débat parlementaire devant l’Assemblée nationale et répétée, depuis lors, à l’envi, sans souci ni même connaissance de la source : « la sécurité est la première des libertés ». Et, la loi Pasqua du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPSI) ne commence-t-elle pas précisément par affirmer, de façon péremptoire, que « la sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives » (art. 1er, al. 1er), dispositif transposé mot à mot, en droit positif, à l’ouverture du Code de la sécurité intérieure (art. L. 111-1, al. 1er) ? Et, comment ne pas mentionner, en écho proche, la loi Fauvergue-Thourot du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés ?
Une telle prescription en faveur d’une montée en puissance de la sécurité avait deux effets prémonitoires en vue de constitutionnaliser la sécurité et, par voie de conséquence, de concilier ce nouveau principe constitutionnel avec les libertés fondamentales, nécessairement constitutionnalisées, soit directement par le texte articulé de 1958, soit indirectement par les textes auxquels se réfère le préambule de la Constitution de 1958. Cependant, la loi ne pouvait certainement pas suffire à la constitutionnalisation de la sécurité et c’est ce chemin que, pour passer du niveau normatif de la loi à celui de la Constitution, le Conseil constitutionnel va bientôt emprunter, dans sa décision « Communication audiovisuelle » du 27 juillet 1982, en faisant enfin de « la sauvegarde de l’ordre public » un principe de valeur constitutionnelle, déduit de l’article 34 de la Constitution, à concilier, lui notamment, avec « la liberté de communication » résultant de l’article 11 de la Déclaration de 1789.
Il en est ainsi dans le temps normal, comme aussi dans l’anormalité qui est provoquée dans la jurisprudence par les « circonstances exceptionnelles » (CE, 28 juin 1918, Heyriès) ou dans les textes par les « régimes d’application exceptionnelle » (Code déf., art. L. 2112-1 à 2171-17), au nombre desquels « l’état d’urgence » non codifié.
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