Décembre 2021 - n° 845

Stratégie de défense et sécurité nationale

« Ce n’est que par la libre fédération des nations autonomes, répudiant les entreprises de force et se soumettant à des règles de droit, que peut être réalisée l’unité humaine. »

Jean Jaurès
136 pages

Alors que 2021 va bientôt s’achever, il est déjà nécessaire de faire un premier bilan géostratégique d’une année marquée – sur fond de pandémie de la Covid-19 – de plusieurs surprises stratégiques et de la confirmation de certitudes inquiétantes. Sans être exhaustif, les événements ont été brutaux et ont obligé certains États à revoir leur position. Il suffit de penser à la débâcle de cet été en Afghanistan et le départ précipité des Occidentaux de Kaboul, laissant un pays exsangue aux mains des taliban. Bien que la France ait quitté militairement ce territoire depuis 2014, la leçon reste cruelle et la déception immense, malgré les milliards déversés pour essayer de reconstruire un pays qui n’a jamais été ni un État, ni une nation. Lire la suite

  p. 1-1

Stratégie de défense et sécurité nationale

Le monde se complexifie, sa sécurité se dégrade avec de nouveaux compétiteurs remettant en cause les principes de régulation de la scène internationale. Cela oblige à élargir notre concept de défense et de sécurité nationale, notamment face aux menaces hybrides dans le cyberespace et le numérique. Lire les premières lignes

  p. 7-10

Le concept de défense s’est élargi progressivement ces dernières années pour englober au sens large l’idée de sécurité nationale. Celle-ci s’appuie sur un corpus juridique en mutation pour répondre aux exigences de protection de l’État, mais aussi pour garantir l’usage démocratique des outils mis en œuvre pour la défense. Lire les premières lignes

  p. 11-17

La notion d’état d’urgence a évolué ces dernières années avec des approches juridiques plus élaborées, tenant compte de nouvelles contraintes de sécurité. La crise sanitaire de la Covid-19 l’a illustrée, introduisant des dispositions innovantes tout en préservant la liberté individuelle, fortement scrutée par le juge. Lire les premières lignes

  p. 18-25

La Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) participe à la définition de la stratégie de défense, s’appuyant sur des principes pérennes et procédant aux ajustements nécessaires liés à l’évolution géopolitique. Ce travail permanent et pluridisciplinaire est indispensable pour disposer d’une vision à long terme, éclairant les décisions du politique. Lire les premières lignes

  p. 26-30

Après les Livres blancs de 2008 et 2013, et la Revue stratégique de 2017, il semble aujourd’hui nécessaire, au regard des bouleversements géopolitiques, de concevoir un nouveau Livre blanc avec une approche plus globale et agrégeant des points de vue plus différents, proposant des ambitions innovantes. Lire les premières lignes

  p. 31-36

Si les guerres ont construit en grande partie la France, la question de la défense dépasse désormais la seule approche militaire. Aujourd’hui, penser la sécurité oblige à penser stratégie et donc à englober des réalités plus complexes en acceptant de se poser de vraies questions sur nos ambitions. Lire les premières lignes

  p. 37-42

La stratégie de sécurité nationale est un concept à la fois ancien et jeune, s’appuyant sur le besoin de protéger la nation et ses intérêts, et s’adaptant aux évolutions des menaces. Cela exige une approche globale, capable de fédérer tous les acteurs, y compris les citoyens, et de répondre aux défis de la complexité. Lire les premières lignes

  p. 43-48

La défense nationale est un élément majeur de l’ADN de la Ve République. Les évolutions ont été importantes et complexes d’autant plus que l’environnement géopolitique a évolué. La défense n’est pas une simple administration, elle est une institution qui donne un sens à l’action de l’État et donc éminemment politique. Lire les premières lignes

  p. 49-55

Depuis 1991, les concepts de stratégie de défense ont évolué, intégrant de nouveaux champs et prônant une approche globale, au risque de tout agglomérer à un problème de sécurité. La compétition stratégique oblige à élargir notre conception de la défense, en ayant une capacité d’ouvrir un large éventail de conflictualité. Lire les premières lignes

  p. 56-60

Quelles perspectives pour les relations transatlantiques ?

La France va prendre la présidence de l’UE (PFUE) au premier semestre 2022. C’est une opportunité unique pour poursuivre le développement d’une trame solide pour l’Europe de la défense, prenant conscience du besoin d’une présence accrue sur la scène internationale. Être acteur plutôt que témoin impuissant. Lire les premières lignes

  p. 61-68

L’alliance AUKUS dévoilée cet été confirme la bascule des intérêts géostratégiques de Washington vers l’Asie avec la confirmation de la compétition avec la Chine. Cela oblige à redéfinir la relation transatlantique et incite les Européens à réfléchir collectivement à leur souveraineté et à leur autonomie. Lire les premières lignes

  p. 69-78

L’annonce de l’alliance AUKUS a été une surprise stratégique pour la France avec un impact direct sur les relations entre notre pays et les signataires de ce nouveau partenariat. Celui-ci suscite désormais de nombreuses interrogations, y compris sur sa concrétisation capacitaire. Lire les premières lignes

  p. 79-85

Opinions

Le temps géopolitique est désormais troublé et complexe. Les alliances sont remises en cause. La France doit maintenant se préparer à un risque de solitude stratégique, alors même qu’elle devra agir pour préserver ses intérêts, notamment en Afrique. Il faut y réfléchir à présent. Lire les premières lignes

  p. 89-94

La désinformation est une réalité dont la dimension stratégique participe à la fragilisation et à la déstabilisation des démocraties, particulièrement en Europe. L’UE et l’Otan se sont dotées d’outils de lutte contre les fake news, mais l’effort reste insuffisant face à ce problème complexe. Lire les premières lignes

  p. 95-100

Évoquer le combat comme le cœur du métier est trop simpliste pour rendre compte de la spécificité militaire. Plus que le combat, la finalité est d’abord la victoire, celle-ci le construisant en vue d’établir une paix durable, crédible et légitime. Lire les premières lignes

  p. 101-105

Approches historiques

La campagne de Syrie en 1941 constituait un enjeu militaire et politique pour le général de Gaulle qui devait impérativement consolider sa position tant vis-à-vis de Londres que du régime de Vichy. Son approche de l’Orient compliqué préfigure également son pragmatisme pour faire avancer la France. Lire les premières lignes

  p. 106-112

Chronique

Sur fond de guerre d’Algérie, le 13 mai 1958 traduit l’agonie politique de la IVe République, incapable de résoudre l’instabilité gouvernementale. Le coup de force algérois, qui est loin d’être un coup d’État militaire mais l’expression du désarroi des Français d’Alger, entraîna le retour au pouvoir du général de Gaulle. Lire la suite

  p. 113-115

Recensions

Général Étienne Copel : Au-delà du mirage – Souvenirs d’avenir  ; Éditions Favre, 2021 ; 272 pages - Claude Franc

Les plus anciens lecteurs de la Revue se souviennent sans doute de l’émoi dans le Landernau militaire qu’avait causé, en son temps, en 1984, la publication d’un ouvrage iconoclaste, Vaincre la guerre, par un sous-chef d’état-major démissionnaire de l’Armée de l’air, pourtant promis au plus bel avenir, le général Copel. Dans cet ouvrage d’alors, l’auteur, non content de remettre en cause le dogme nucléaire français, car il s’agissait bien d’un dogme – encore aujourd’hui d’ailleurs même si c’est à un degré un peu moindre – s’attaquait également au mythe du service national, alors quasiment indiscuté à l’époque. Lire la suite

  p. 117-120

François Cailleteau : Décider et perdre la guerre  ; Économica, 2021 ; 127 pages - Claude Franc

Dans un court essai aussi brillant qu’enlevé, l’auteur excellant à manier la litote, pour le plus grand plaisir du lecteur, le contrôleur général Cailleteau, bien connu des lecteurs de la Revue, publie ici un ouvrage qui se lit d’une traite, visant à établir un catalogue raisonné des imprudences diplomatiques et militaires, les deux allant souvent de pair, à savoir les entrées en guerre d’initiative ayant débouché sur de cuisantes défaites. Lire la suite

  p. 120-122

Jean Cot : Soldat – 1953-1963  ; autoédition, 2021 ; 146 pages - Claude Franc

Saint-cyrien de la promotion « Ceux de Diên Biên Phu » (1953-1955), le général d’armée Cot est bien connu des lecteurs de la Revue Défense Nationale. Il livre dans cet opuscule d’une grosse centaine de pages grand format ses « Souvenirs » de commandant de compagnie d’infanterie de secteur, fonction qu’il a tenue durant ses deux séjours (1956-1958 et 1960-1962) en Algérie. Fait notable, le futur général Cot a servi au sein du même régiment, le 153e régiment d’infanterie, le « 15-3 », toujours dans l’Est-Constantinois, région connue pour être assez « mal pavée », du fait de la proximité de la frontière tunisienne. Le PC du régiment était implanté à Souk Ahras. Outre des souvenirs factuels, cet ouvrage donne lieu à l’ouverture par l’auteur de parenthèses de portée générale. C’est pourquoi, cette recension, indépendamment du rendu de ces souvenirs, sera également enrichie de commentaires plus généraux. Lire la suite

  p. 122-126

Éric Zemmour : La France n’a pas dit son dernier mot  ; Rubempré, 2021 ; 350 pages - Pascal Lecardonnel

La couverture de l’ouvrage annonce les couleurs – le drapeau français flottant en arrière-plan du personnage – d’une affiche de campagne présidentielle. Lire la suite

  p. 126-127

Renaud Meltz : Pierre Laval, un mystère français  ; Éditions Perrin, 2018 ; 1226 pages - Jérôme Pellistrandi

L’historien Renaud Meltz, professeur d’histoire contemporaine, a publié une somme magistrale sur un personnage central de la France de la IIIe République et dont l’apogée avec le régime de Vichy, a abouti au chaos, à l’indignité, l’humiliation et à la mort par fusillade pour avoir trahi la France. Lire la suite

  p. 127-128

9 officiers de Légion : La Lune est claire – La Légion étrangère au combat (2008-2018)  ; Éditions Les Belles Lettres, 2020 ; 305 pages - Pierre Brière

La Légion étrangère au combat, c’est, dans la littérature militaire, historique ou romanesque, essentiellement l’Indochine et l’Algérie. On y croise des personnalités atypiques, pittoresques, héroïques, pour la plupart issus des armées vaincues de la Seconde Guerre mondiale, soldats perdus dont la seule expérience de vie est guerrière. On retrouve, pour raconter leur épopée, les noms célèbres, entre autres, des Bergot, Sergent, Gandy, Bonnecarrère, Muelle, Lartéguy, dont les récits ont fait vibrer les cœurs de tant de futurs soldats. Lire la suite

  p. 129-130

Katsuhito Tokunaga : Phorever  ; (photographies), texte de Richard A. Pawloski Hobby Japan, 2021 ; 200 pages - Philippe Wodka-Gallien

Direction le Japon. Un objet à classer dans la catégorie « beaux livres » produit pour marquer le retrait de l’avion d’armes Phantom des JADSF (Japanese Air Self-Defense Force), cela après cinquante ans de service opérationnel. Un tel ouvrage est un défi, tant il s’agit de sublimer une icône de l’aviation. Conçu par McDonnell Douglas, le Phantom est produit à plus de 5 000 exemplaires. Le résultat éditorial viendra ravir tout à la fois le passionné d’aviation, que l’amateur qui souhaite mieux connaître l’aviation militaire de notre partenaire du Pacifique. Pour piloter le projet, deux experts réunis : Richard A. Pawloski, ancien pilote de l’US Navy sur Phantom et Katsuhito Tokunaga. Sanglé en place arrière, Katsu pour les intimes nous apporte tout son talent de metteur en scène de ballet aérien. À son actif, 40 ouvrages sur les forces aériennes et les patrouilles acrobatiques et une forte expérience de photographe depuis la place aérienne d’un avion d’arme ; Katsu est à la hauteur de sa réputation. Lire la suite

  p. 131-131

Dès sa création en 1958, la NASA doit relever un défi : obtenir l’adhésion de l’opinion à ses grandes ambitions de conquête spatiale, forcément dévoreuses de budgets. Le défi « communication » est d’abord pratique : montrer l’exploit technologique et humain dès lors qu’il est impossible de filmer et de photographier les astronautes et leurs machines, une situation encore plus compliquée s’agissant des sondes interplanétaires. Le dessin d’artiste devient alors la solution. Le travail met en place une esthétique toute nouvelle afin de ravir le public. Ce livre vient rassembler l’imagerie de la conquête spatiale vue par les œuvres commandées par la NASA. Immédiatement, l’imagerie de 2001, l’Odyssée de l’espace nous envahit avec ses vaisseaux si proches des projets menés dans le réel des programmes. Il est important de préciser que l’auteur s’est déjà engagé sur le film culte de Kubrick. Les artistes mandatés par la NASA travaillent en effet aussi pour le monde du cinéma. Lire la suite

  p. 172-172

Revue Défense Nationale - Décembre 2021 - n° 845

Stratégie de défense et sécurité nationale

Defence and National Security Strategy

The world is becoming more complex and its security is deteriorating as new competitors call into question the regulatory principles of the international scene. We must therefore broaden our concept of defence and national security, particularly in the face of hybrid cyber and digital threats.

The concept of defence has gradually expanded in recent years to encompass in a broad sense the idea of national security. The latter is based on a legal corpus which is undergoing change in order to respond to the demands of protection of the state and also to guarantee the democratic use of the instruments put in place for defence.

The notion of a state of emergency has evolved in recent years, with more elaborate legal measures that take into account new security constraints. The Covid-19 health crisis has been an illustration of this—innovative arrangements have been introduced that have been thoroughly scrutinised by judges to ensure that individual freedom is preserved.

The Directorate for International Relations and Strategy (DGRIS) participates in the definition of defence strategy, calling upon perennial principles and making necessary adjustments in line with geopolitical developments. This permanent and multidisciplinary work is essential for the long-term vision needed to inform political decisions.

Following the 2008 and 2013 Livres Blancs, and the 2017 strategic review, and in the context of geopolitical disruption, it would now seem necessary to draft a new Livre Blanc with a broader approach which brings together different points of view and which proposes innovative ambitions.

Whilst wars have to a large degree shaped France, the issue of defence nowadays goes beyond the military aspect alone. In considering security today, account has to be taken of strategy, which encompasses a more complex reality and requires penetrating questions to be asked about our ambitions.

National security strategy is at once an ancient and new concept, one that stems from the need to protect the nation and its interests though which has to adapt to changing threats. That requires a broad, overall approach, capable of bringing together all the players, citizens included, and of responding to the challenges of complexity.

National defence is a major constituent of the DNA of the Fifth Republic. It has experienced considerable and complex developments as the geopolitical environment has evolved. Defence is far from a simple administrative department—it is an institution that gives material sense to state action and thus is eminently political.

Concepts of defence strategy have evolved since 1991. They have integrated new fields and advocate an overall approach albeit at the risk of mixing everything together under a heading of security. Strategic competition is pushing us to broaden our conception of defence to include the capability to face a wide spectrum of conflict types.

The Future of Transatlantic Relationships

France will take over the presidence of the European Union for the first half of 2022. That offers a unique opportunity to pursue development of a solid framework for European defence, taking note of the need for increased visibility on the international stage: to be an actor, rather than a powerless spectator.

The AUKUS alliance unveiled this summer confirms the change in Washington’s geostrategic interests towards Asia and competition with China. That means a necessary redefinition of the Transatlantic relationship, which in turn means Europeans must consider collectively their sovereignty and their independence.

The announcement of the AUKUS alliance was a strategic surprise for France and has a direct impact on relations between our country and the signatories of the new partnership. This raises numerous questions including those on the material capabilities France now needs to consider.

Opinions

In geopolitical terms, we live in troubled and complex times. Alliances are being questioned. France needs now to prepare itself for a risk of strategic isolation yet at the same time it must act to preserve its interests, notably in Africa. Now is the time to reflect on all that.

Disinformation is real and with us: its strategic dimension is playing a part in the break-up and destabilisation of democracies, in Europe in particular. The EU and NATO have adopted tools to combat fake news, but the effort remains insufficient in the face of this complex problem.

To speak of combat as being at the heart of the profession is too simplistic when attempting to characterise what is particular to the military. Beyond combat, the desired end-state is, first of all, victory, then the construction of a long-lasting, credible and legitimate peace.

Historical Approaches

The 1941 campaign in Syria was a major military and political challenge for General de Gaulle, for whom the imperative was to consolidate his position as much with respect to London as to the Vichy regime. His approach to the complicated East also foreshadowed his pragmatism in modernising France.

Chronicle

Against a background of the Algerian war, what began on 13 May 1958 echoed the political death throes of a Fourth Republic incapable of resolving governmental instability. The coup in Algiers, though far from a military coup, was an expression of the confusion of the French population there, and led to General de Gaulle’s return to power. Read more

Book Reviews

Général Étienne Copel : Au-delà du mirage – Souvenirs d’avenir  ; Éditions Favre, 2021 ; 272 pages - Claude Franc

François Cailleteau : Décider et perdre la guerre  ; Économica, 2021 ; 127 pages - Claude Franc

Jean Cot : Soldat – 1953-1963  ; autoédition, 2021 ; 146 pages - Claude Franc

Éric Zemmour : La France n’a pas dit son dernier mot  ; Rubempré, 2021 ; 350 pages - Pascal Lecardonnel

Renaud Meltz : Pierre Laval, un mystère français  ; Éditions Perrin, 2018 ; 1226 pages - Jérôme Pellistrandi

9 officiers de Légion : La Lune est claire – La Légion étrangère au combat (2008-2018)  ; Éditions Les Belles Lettres, 2020 ; 305 pages - Pierre Brière

Katsuhito Tokunaga : Phorever  ; (photographies), texte de Richard A. Pawloski Hobby Japan, 2021 ; 200 pages - Philippe Wodka-Gallien

Revue Défense Nationale - Décembre 2021 - n° 845

Stratégie de défense et sécurité nationale

Alors que 2021 va bientôt s’achever, il est déjà nécessaire de faire un premier bilan géostratégique d’une année marquée – sur fond de pandémie de la Covid-19 – de plusieurs surprises stratégiques et de la confirmation de certitudes inquiétantes. Sans être exhaustif, les événements ont été brutaux et ont obligé certains États à revoir leur position. Il suffit de penser à la débâcle de cet été en Afghanistan et le départ précipité des Occidentaux de Kaboul, laissant un pays exsangue aux mains des taliban. Bien que la France ait quitté militairement ce territoire depuis 2014, la leçon reste cruelle et la déception immense, malgré les milliards déversés pour essayer de reconstruire un pays qui n’a jamais été ni un État, ni une nation.

L’autre grande surprise, et qui nous concerne encore plus directement, a été l’alliance AUKUS dont la première conséquence est l’annulation du contrat pour la construction de 12 sous-marins sous l’égide de Naval Group. Sans préavis et sans le moindre ménagement diplomatique, cette annonce a révélé le cynisme des uns, l’hypocrisie des autres et le mépris de partenaires historiques qui, après avoir eu le sentiment d’un bon coup contre les Frenchies, se sont rendu compte que notre pays était encore l’un des rares à accepter de payer le prix du sang pour sa défense. D’où les gestes de Washington pour essayer de compenser la maladresse initiale, en attendant de véritables actes.

Cela signifie qu’il est indispensable pour la France de réfléchir à sa stratégie de défense et de répondre à la question que posait le maréchal Foch : « De quoi s’agit-il ? » Aligner des équipements, écrire des doctrines d’emploi, recruter des soldats… Non, il s’agit bien de penser global et de savoir ce que nous voulons comme destin pour la nation. Le processus entamé en 1972 avec le premier Livre blanc et poursuivi jusqu’à présent est bien l’affirmation de cette nécessité stratégique et reste plus que jamais indispensable. Il est la résultante du traumatisme de la débâcle de 1940 et donc de la volonté du général de Gaulle – même s’il n’est pas le concepteur des Livres blancs – de doter la France de la défense dont elle a besoin. Et si la loi de programmation militaire 2017-2025 se déroule conformément, il semble clairement qu’il faudra pour la prochaine mandature à la fois renforcer les choix déjà faits, mais également remonter le niveau de nos ambitions face aux évolutions du monde qui vont vers un durcissement des relations et la recherche de la confrontation dans certaines régions de la planète, menaçant directement nos intérêts vitaux.

Accompagnant ainsi le dossier autour de notre stratégie de défense, un focus sur les relations transatlantiques s’impose au regard des surprises stratégiques évoquées plus haut. En attendant que l’Allemagne finisse d’achever sa coalition gouvernementale, tandis que les nuages noirs de la guerre hybride obscurcissent l’horizon à l’est de l’Europe et que le Royaume-Uni n’arrive pas à définir une ligne claire suite au Brexit, les interrogations s’accumulent sur le lien entre Washington et l’Europe, que ce soit au sein de l’Otan ou de l’UE. Les Européens découvrent – pour certains avec une ingénuité confondante – que le centre de gravité a basculé vers l’Indo-Pacifique et que le Vieux Continent est désormais marginalisé, incapable de penser stratégique. L’année 2022, avec un premier semestre marqué par la Présidence française de l’Union européenne (PFUE), sera dès lors une année décisive. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Décembre 2021 - n° 845

Stratégie de défense et sécurité nationale

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