Depuis 1991, les concepts de stratégie de défense ont évolué, intégrant de nouveaux champs et prônant une approche globale, au risque de tout agglomérer à un problème de sécurité. La compétition stratégique oblige à élargir notre conception de la défense, en ayant une capacité d’ouvrir un large éventail de conflictualité.
Stratégie de défense nationale et sécurité extérieure : les approches globales à l’épreuve des faits
Strategy for National Defence and External Security: Broad Approaches to Face the Facts
Concepts of defence strategy have evolved since 1991. They have integrated new fields and advocate an overall approach albeit at the risk of mixing everything together under a heading of security. Strategic competition is pushing us to broaden our conception of defence to include the capability to face a wide spectrum of conflict types.
Dans les années 1990, dans un monde optimiste, plusieurs concepts développent une vision large des questions de sécurité et de défense, avec l’idée que la paix repose sur une sécurité globale qui inclut une grande partie des domaines d’activités humaines. C’est ainsi que, successivement, la sécurité globale, la sécurité humaine (définie dans le rapport sur le développement humain de 1994 du Programme des Nations unies pour le développement) ou encore les approches intégrées de l’ONU ont été perçues comme une façon de parvenir à un monde plus sûr en recourant à un vaste ensemble de politiques publiques, autres que militaires. Plusieurs programmes ont par exemple eu pour ambition de faire de la santé le point de départ d’une paix durable. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a ainsi poussé les concepts health-to-peace (à partir de 1993), Health as a Bridge for Peace (1998), initiatives reprises ensuite par les États-Unis, et qui visaient avant tout à réconcilier des communautés plutôt qu’à travailler sur la légitimité de l’État.
L’idée générale qui sous-tend ces concepts est qu’une paix durable ne réside pas uniquement dans l’absence momentanée de guerre ou de violences, mais doit également être fondée sur le développement, la sécurité alimentaire, la santé, la sécurité des ressources et le respect des droits de l’homme. Ces approches globalisantes ont conduit, d’une part à « élargir la vision généralement restreinte de la sécurité à une vision prenant en compte des domaines jusqu’ici non reliés aux problèmes de sécurité » (1) et, d’autre part à intégrer les questions de gouvernance et de développement dans les affaires de défense.
En ce qui concerne la défense, cette préoccupation a conduit à faire émerger et/ou à rendre plus visible des fonctions non-combattantes destinées à appuyer les opérations de paix. Le développement des actions civilo-militaires (ACM puis CIMIC) s’effectue tout au long des années 1990. Dans le même temps, on assiste à une amplification de la composante « assistance humanitaire » dans la planification et la conduite des opérations. Dans l’ensemble, les missions qui sont alors assignées aux armées parlent plus de paix (peacebuilding, peacemaking, peacekeeping) que de guerre. Les États-Unis développent même le concept d’« opérations autres que la guerre » (military operations other than war, MOOTW) (2) pour désigner ces missions de la nouvelle ère stratégique. Les forces armées, utilisées dans le cadre de la diplomatie coercitive, servent alors des objectifs directement politiques, au détriment parfois de la logique militaire. Les règles d’engagement deviennent plus restrictives (3). Les préoccupations politiques de l’époque sont alors principalement de rester neutre et d’œuvrer de façon active à la sécurité collective.
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