La Lune est claire – La Légion étrangère au combat (2008-2018)
La Lune est claire – La Légion étrangère au combat (2008-2018)
La Légion étrangère au combat, c’est, dans la littérature militaire, historique ou romanesque, essentiellement l’Indochine et l’Algérie. On y croise des personnalités atypiques, pittoresques, héroïques, pour la plupart issus des armées vaincues de la Seconde Guerre mondiale, soldats perdus dont la seule expérience de vie est guerrière. On retrouve, pour raconter leur épopée, les noms célèbres, entre autres, des Bergot, Sergent, Gandy, Bonnecarrère, Muelle, Lartéguy, dont les récits ont fait vibrer les cœurs de tant de futurs soldats.
Mais la geste légionnaire ne s’arrête pas là, et c’est le mérite de cet ouvrage que d’en continuer le récit. Écrit à plusieurs mains, par neuf officiers de Légion, toujours en activité, il traite de la période 2008-2018, dix années de combats entre l’Afghanistan, le Mali, la Guyane ou la République centrafricaine.
Les auteurs ont choisi de nous faire vivre ces campagnes au niveau des exécutants de terrain, en privilégiant le simple légionnaire. C’est donc lui, Monsieur Légionnaire, et ses chefs directs, que l’on va suivre au cours des onze chapitres, dédiés chacun à une expérience et des personnages différents. Seuls les noms ont été changés, tout le reste est réel et vécu.
Il est cependant un légionnaire que l’on retrouve à deux reprises : lors de son instruction au 4e RE, puis, plus loin, lors de sa mort au combat, trois ans plus tard, en Afghanistan. Il s’agit de Milan Hutnik dont nous allons partager les premiers mois à la Légion, en 2007. Parti de Slovaquie, on le suit à Aubagne, où il passe les tests avec succès puis à Castelnaudary, la marche des képis blancs et l’affectation au 2e REP. Ce premier chapitre pénètre d’une façon remarquable la psychologie d’un jeune étranger, non francophone, qui doit s’insérer dans un monde inconnu, déroutant, dont il doit saisir les codes, sans en comprendre la langue. On partage ses difficultés, ses doutes, ses découragements et sa volonté de réussir coûte que coûte. Avril 2010, c’est la fin : Hutnik est tué d’une balle en pleine tête au cours d’un violent accrochage avec les taliban. La mort d’un jeune Slovaque, à des milliers de kilomètres de chez lui ; il a servi la Légion, et donc la France : « avec Honneur et Fidélité ». Il a mis à exécution l’article 6 du code d’honneur du légionnaire : « La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout et s’il le faut, en opérations, au péril de ta vie. »
Il reste neuf autres chapitres, neuf tranches de vie, dans les dangers du combat, d’où se dégage, quel qu’en soit l’auteur, un sentiment de puissance, de cohésion qui s’exprime par une camaraderie à toute épreuve. Chacun est à sa place, a son rôle à jouer. Dans cet orchestre guerrier, chaque exécutant connaît sa partition et sait pouvoir compter sur son voisin. Ce qui frappe aussi, c’est la qualité des sous-officiers, leur sang-froid, leur professionnalisme et leur réactivité : un très bel hommage leur est rendu par leurs officiers.
Remarquable, cet ouvrage l’est à plus d’un titre. Plus qu’un livre, il est un témoignage sur ce que François Sureau, dans sa préface, appelle cet « autre monde » qu’est la Légion étrangère. Elle est un véritable laboratoire humain où se côtoient toutes les races et les religions, du Népal à l’Afrique du Sud en passant par l’Europe de l’Est et Madagascar. De cette pâte humaine, elle tire, par une mystérieuse alchimie qui tient beaucoup du génie français de l’universel, un bloc soudé, une grande famille unie, avec ses rites, ses fêtes et une devise qui traduit la réussite de cette improbable « mixture » : Legio Patria Nostra. Un tableau, en annexe, donne les noms et origines des 17 légionnaires morts pour la France durant ces dix années. Écrit dans un style alerte et vivant, sans phrases inutiles, souvent émouvant, ce livre révèle l’amitié – le mot n’est pas trop fort – qui unit ces officiers à leurs légionnaires. « La Lune est claire » est le titre d’un vieux chant de Légion où :
La Lune est claire
La ville dort […]
Mais la légion s’en va
Oui s’en va
Part au baroud, baroud…
Merci, messieurs les officiers, de nous avoir permis de partager la vie de vos hommes au baroud, merci de la belle leçon d’humanité que délivrent vos différents témoignages. L’héritage de la génération Indochine-Algérie ne s’est pas perdu, les légionnaires du XXIe siècle en sont les dignes héritiers : More Majorum… ♦