Les États-Unis, de par leur histoire et leur puissance, jouent un rôle majeur sur la scène internationale, mais il ne faut pas oublier qu’ils donnent d’abord priorité à leurs intérêts. La pratique du multilatéralisme a donc évolué notamment dans ses formes avec plus ou moins de diplomatie ou de brutalité dans la conduite du leadership.
Du multilatéralisme et l’Amérique
Multilateralism and America
By virtue of its history and power, the United States plays a major role on the international stage, though it should not be forgotten that its first priority is its own interests. In practice therefore, multilateralism has evolved in form with differing degrees of diplomacy or brutality in the way leadership is conducted.
Au jour de l’investiture du président Biden, un vent de soulagement emporta les plumes des commentateurs. De toutes parts, on célébra le retour des États-Unis à la religion du multilatéralisme. Le mot revint par rafales dans discours et articles et il s’afficha en gros caractères – français et anglais – sur les panneaux dressés à sa gloire dans la grande salle des pas perdus de la Faculté de droit Panthéon-Sorbonne.
De fait, après quatre ans de la présidence honnie de Donald Trump, on revenait de loin. Simple et brutal, le credo « Amérique d’abord », martelé par les Républicains, avait éloigné de la laborieuse quête du dialogue, de la conférence, du traité, de l’alliance… Les États-Unis paraissaient s’être préoccupés des mois durant d’eux-mêmes et fort peu des autres, quoiqu’à la vérité, les accords conclus entre Israël et plusieurs États arabes, sous patronage américain, n’étaient pas un mince résultat.
À regarder aussi d’un peu plus près, ce désengagement de Washington des affaires du bas monde avait de vieilles et solides racines, chacun se rappelant qu’à peine relevés de leur courageuse et décisive participation à la victoire alliée de 1918, les États-Unis s’étaient aussitôt déliés des obligations souscrites à Versailles et renoncé tant au pacte de la Société des Nations (SDN) qu’aux dispositions multiples du traité, facilitant par là même la marche accélérée de l’Allemagne vers la revanche. À quoi bon pour Londres et Paris de conjurer Roosevelt, en 1940, de prendre parti militaire alors que le Président, tout au long de sa campagne électorale, n’avait cessé de répéter qu’il n’enverrait « combattre à l’étranger aucun soldat si le sol américain n’était pas lui-même attaqué ». Cette clause protectrice éliminée tant par Pearl Harbor que par la déclaration de guerre de l’Allemagne, les États-Unis virèrent de bord. Et ils le firent à leur manière, aussi tranchante que le choix opposé, vingt ans plus tôt, de l’isolationnisme, en prenant en mains, conjointement au départ avec l’URSS, un peu moins les Anglais, les destinées du monde.
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