La Bataille des Alpes – 1940
La Bataille des Alpes – 1940
L’histoire a retenu la débâcle du printemps 1940, passant sous silence certains faits héroïques et victoires tactiques. Il faut être lucide, ces dernières ont surtout permis de sauver l’honneur avant les terribles conditions de l’armistice imposé par Hitler à Rethondes le 22 juin. La situation aurait pu être encore pire si l’Italie de Mussolini avait pu réussir son pari suite à la déclaration de guerre prononcée par le Duce le 10 juin à Rome depuis le haut d’un balcon, place de Venise, devant des Romains persuadés de leur futur succès.
En effet, les forces italiennes se sont révélées incapables d’emporter la décision lors de l’offensive déclenchée le long de la frontière, car l’armée des Alpes commandée par le général René Olry (1880-1944) sut résister victorieusement et même contre-attaquer, mettant à mal les ambitions territoriales ouvertement affichées par Mussolini. Cette victoire a ainsi pu protéger une partie de la zone libre, mais surtout a contribué à maintenir la flamme de la Résistance pour les années suivantes et qui s’exprimera notamment avec les maquis des Glières et du Vercors dont l’encadrement issu des chasseurs alpins avait combattu dans l’armée des Alpes.
Fin 1941, un livre à la gloire de l’armée des Alpes fut publié sous les auspices de Vichy. Les élèves-officiers de l’École militaire interarmes (EMIA) appartenant à l’Académie de Saint-Cyr-Coëtquidan, ont choisi cette année comme nom de promotion « Armée des Alpes » et, de ce fait, ont souhaité republier le livre mémorial en le complétant avec des textes et des éléments supplémentaires réunis sous la direction de Max Schiavon, historien spécialiste de l’armée française du XXe siècle.
L’abondance des illustrations et des cartes permet une compréhension fine de cette bataille dans un environnement géographique complexe et hostile en période hivernale, celui de la chaîne des Alpes. Le paradoxe est que la France, qui a permis l’unification italienne grâce à l’intervention militaire décidée par Napoléon III, a dû dès les années 1880-1890 protéger ses frontières alpines face à une Italie peu reconnaissante, voire agressive. C’est ainsi que le général Séré de Rivières lança la construction de nombreux ouvrages comme à Grenoble ou autour de Modane pour garantir la sécurité du territoire national, complétant les fabuleux forts édifiés par Vauban et ses adjoints comme à Briançon. Durant l’entre-deux-guerres, la ligne Maginot intègre également les Alpes alors même que Mussolini entame la militarisation de son régime. En 1928, la Commission d’organisation des régions fortifiées (CORF), créée en 1927, lance ainsi les travaux de l’ouvrage du Rimplas dans les Alpes-Maritimes, suivi d’autres forteresses et d’autres points d’appui comme les blockhaus des Aittes au-dessus du village de Cervières. En 1934, les troupes de forteresse sont créées avec l’armement permanent de certains forts.
Avec la déclaration de guerre le 1er septembre 1939, il y a une accélération des travaux et un renforcement de la défense avec la mise en place progressive de la VIe Armée dont le commandement est confié au général Olry, polytechnicien et artilleur. En février 1940, 180 000 soldats français font face aux forces italiennes évaluées alors entre 500 000 et 600 000 hommes. Les troupes du Duce sont cependant insuffisamment équipées et avec un commandement pas toujours à la hauteur. Le prince Umberto de Savoie (1904-1983) va y jouer un rôle important, malgré une réputation de dilettantisme comme héritier de la Couronne, car il connaît bien la montagne et le combat dans cet environnement difficile. Il n’en demeure pas moins que Mussolini a largement surestimé la valeur militaire de ses forces et sous-estimé la combativité des unités françaises lorsqu’il déclenche les hostilités le 10 juin, espérant profiter de la débâcle en cours dans le quart Nord-Est.
Le livre retrace ainsi la bataille contre l’Italie où, malgré un rapport de forces très défavorable, l’armée française va défendre avec une efficacité exceptionnelle la frontière. C’est ainsi que les Sections d’éclaireurs-skieurs (SES) spécifiques aux troupes de montagne vont se couvrir de gloire avec des personnages qui deviendront emblématiques dans la Résistance comme le lieutenant Tom Morel ou le capitaine Anjot.
La bataille pour protéger Nice fut également décisive, car Mussolini voulait récupérer et annexer la région niçoise. Les succès français l’en empêchèrent, même si les conventions d’armistice permirent par la suite à l’Italie d’occuper Menton et ses environs.
Mais alors que la VIe armée devait combattre le long des Alpes, l’autre menace venait des lignes arrière avec le XVIe corps allemand qui arrivait par le Nord. Le 15 juin, il était à Langres puis le 18 à Bourg-en-Bresse. Lyon était déclarée « ville ouverte », ce qui de facto affaiblissait la défense mobile pour les unités françaises. Celles-ci cependant surent contenir la progression allemande en empêchant les troupes du Troisième Reich de franchir la ligne de l’Isère, préservant ainsi Grenoble et Chambéry.
Lorsque l’armistice entre en vigueur à compter du 22 juin, le bilan humain est relativement faible avec 37 soldats français tués, 62 blessés et 155 prisonniers ou disparus, pour 631 Italiens tués, plus de 2 600 blessés et plus de 600 prisonniers ou disparus.
Les Italiens ont conscience de ne pas avoir gagné la bataille des Alpes. Mais si du côté français, il y a la satisfaction du devoir accompli, le bilan est plus amer puisque la France a perdu et a dû subir l’humiliation de l’armistice à Rethondes.
L’ouvrage s’achève sur cette période de fin juin 1940, où il faut à la fois démobiliser puis former l’Armée d’armistice, dont la dissolution en novembre 1942 alimentera les maquis des Alpes fortement imprégnés de l’esprit combatif des chasseurs alpins. ♦