Océans et mers étroites
Il y a, paraît-il, des nations qui respirent librement et des nations « étouffées ». Étouffées par la géographie s’entend. Ce sont les Italiens qui ont lancé jadis cette étiquette, voulant exprimer par elle la situation de l’Allemagne et de l’Italie alors situées dans des mers relativement étroites telles que Baltique, mer du Nord et Méditerranée, ne communiquant pas aussi librement qu’elles l’auraient voulu avec les océans, où passent les vraies routes extérieures et transcontinentales.
Aussi a-t-on pu noter, tant en Allemagne qu’en Italie, au cours des années qui ont précédé 1939, une vive agitation des esprits à l’égard de ces aspirations océanes. Allemands et Italiens pensaient, à leur point de vue, que la Méditerranée valait tout juste un peu mieux que la mer Noire, et que la mer du Nord était à peine plus intéressante que la Baltique. Il leur fallait quelque chose de plus substantiel.
L’Allemagne se passionnait pour l’Atlantique. Ses géographes et ses marins le décrivaient abondamment, ainsi que les pays riverains. L’un d’eux, entraîné par son lyrisme, le qualifiait de « Méditerranée du présent et de l’avenir » et prétendait que son importance était beaucoup plus grande que celle du Pacifique. L’Italie regardait aussi dans cette direction. Elle constatait avec mélancolie que les trois cinquièmes de ses importations d’outre-mer lui parvenaient par Gibraltar, et que cette voie était peu sûre en temps de guerre. D’autre part, fonder tous ses espoirs sur la Méditerranée orientale et les au-delà de Suez en remplacement de l’Ouest était un peu tombé de Charybde en Scylla dans le cas d’hostilité de l’Angleterre, que l’on retrouverait peut-être plus forte à ce bout de la Méditerranée qu’à l’autre.
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