La guerre actuelle s’inscrit dans la vision russe de la souveraineté nationale et puise ses racines dans une histoire longue, portée par un projet idéologique, avec en fond de tableau la question sensible de la relation politique à établir entre l’espace russe et l’Europe.
La souveraineté nationale dans la vision russe
The Russian View of National Sovereignty
The current war is in the Russian view a matter of national sovereignty rooted in a long history and carried forward by an ideological project, set against a background of the sensitive question of the political relationship to be established between Russian-influenced space and Europe.
Comprise comme la capacité de l’État à définir d’une manière indépendante sa politique intérieure et étrangère, sans aucune ingérence ou influence extérieures, la notion de souveraineté a acquis une valeur toute particulière au fil des présidences successives de Vladimir Poutine. La souveraineté est mentionnée dans de multiples documents et discours officiels comme le bien le plus précieux que possède un pays quels que soient son régime et ses orientations politiques, car « seuls les États souverains peuvent répondre efficacement aux défis du temps et aux attentes des citoyens » (1). Dans la vision de dirigeants russes, la souveraineté dans un monde globalisé est un bien rare (voire « un luxe » pour reprendre la formule de D. Peskov, porte-parole de V. Poutine), dont ne disposent que quelques États, au premier rang desquels figurent les États-Unis, la Chine et la Russie elle-même. En revanche, les écrits et discours les plus officiels évoquent avec mépris la « vassalisation » des pays de l’Union européenne à l’égard de Washington ou décrivent l’Ukraine comme un « protectorat » américain.
Quant à la Russie postsoviétique, son évolution depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir est présentée comme un processus de recouvrement de la souveraineté nationale, affaiblie par la chute de l’URSS et le déclassement économique et stratégique des années 1990. Dépendant des aides financières occidentales, Boris Eltsine aurait laissé l’Occident (et les institutions sous son emprise comme le FMI) dicter au Kremlin le choix des politiques économique, sociale et étrangère. La mise en valeur de la souveraineté, présente dès l’arrivée de V. Poutine au pouvoir, s’est considérablement renforcée depuis l’annexion de la Crimée : comprise d’une manière très large, elle englobe les aspects économiques, militaires, politiques et sociaux. Mais surtout, elle acquiert des accents de plus en plus protectionnistes et défensifs sur le plan extérieur (perçus comme agressifs et expansionnistes en Occident) et autoritaires en interne.
La stratégie de la « forteresse assiégée » :
renforcer la défense et réduire les dépendances
La consolidation de la souveraineté russe après la chute de l’URSS passe par trois principaux axes : le renforcement de l’outil de défense, la réduction des dépendances économiques et des canaux d’influence occidentale sur la société russe. La résistance à la domination occidentale est au cœur de ces actions.
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