Les questions de défense ne constituent pas une priorité essentielle du débat amenant à l’élection présidentielle. Entre consensus et continuité, les projets ont souvent été contredits par les choix budgétaires après le vote. D’où le besoin désormais de faire preuve de plus de réalisme.
Le nécessaire débat stratégique de la présidentielle 2022
The Needed Strategic Debate in the 2022 Presidential Elections
Defence matters are not an essential priority in the debate leading up to the presidential election. In the battle between consensus and continuity, projects have often been at variance with budgetary chioces made after the election. Hence the need now for greater realism.
Comme à chaque échéance présidentielle, on attend des candidats à la présidence de la République qu’ils exposent aux électeurs leur diagnostic sur l’environnement de sécurité du pays et livrent leur appréciation sur l’état de défense et de sécurité de la France. On veut pouvoir scruter la place dévolue aux armées et l’importance que tient la défense – et budgets associés – dans leur projet politique. Car ces éléments clés de la sécurité nationale renvoient à leur responsabilité de chef d’État. Quelles seront les fins politiques à satisfaire en matière de sécurité nationale lors de la prochaine législature ? Ne faut-il pas en parler sérieusement ? (1)
Le débat stratégique présidentiel anesthésié
Et comme tous les cinq ans, on déplore que ces questions ne soient guère abordées, tant il est admis, d’ailleurs sans inventaire ni démonstration, que la défense fait consensus en France et que l’élection présidentielle se gagne sur les questions intérieures et les enjeux domestiques, ceux qui intéressent les Français. On s’exonère cette année encore d’évoquer ce registre dans les débats présidentiels.
En 2022, cette pratique est-elle encore acceptable ? On s’interrogera d’autant plus que c’est sur fond de tensions militaires que l’échéance présidentielle se rapproche avec la guerre annoncée en Europe pour l’Ukraine, l’éviction militaire de la France du Sahel et l’actuelle dynamique de l’exportation de nos armements. Dans tous ces domaines et bien d’autres aussi, le chef de l’État est engagé en première ligne. La Constitution de la Ve République stipule qu’il est « chef des armées » et « décide de l’emploi des forces » (§ 15). Elle confie pourtant « la responsabilité de la défense qui nationale » au Premier ministre (§ 21) et met « la force armée à la disposition du gouvernement », mais la forte présidentialisation de notre exécutif s’est accentuée depuis trois législatures. Le chef d’État se veut désormais comme un Président américain, un véritable commandant en chef des forces. Et on observe que le « domaine régalien », comme on se plaît à le qualifier, échappe ainsi de plus en plus à l’appréciation des citoyens et au débat démocratique puisqu’il serait de facto « le domaine réservé » du chef de l’État. Cette tendance s’est renforcée depuis deux ans du fait de la situation d’exception provoquée par le SRAS-CoV-2 qui a conduit à un « état d’urgence sanitaire » que gère désormais un Conseil de défense spécifique. S’ensuit la neutralisation d’un débat sur les questions militaires et stratégiques dont la complexité est devenue telle et le citoyen reste si éloigné, qu’en débattre publiquement semble devenu vain.
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