Editorial
Éditorial
Passée la sidération des premiers jours ayant suivi le 24 février, avec l’attaque brutale de la Russie contre l’Ukraine sur plusieurs fronts, le temps de la guerre est redevenu central en Europe. Pour la première fois depuis 1945, un État souverain en attaquait un autre, au nom d’une approche idéologique censée puiser ses sources dans l’Histoire troublée du « Vieux Continent ». Les références à la Seconde Guerre mondiale abondent désormais tant dans les discours des dirigeants des deux États en guerre que dans les analyses et les commentaires des événements. Et là encore, paradoxe de l’Histoire, il faut bien se référer aux errements de la Grande Armée de Napoléon ou de la Wehrmacht pour comprendre ce qui se passe sur le terrain, entre modes d’actions, plans de progression et réalités du terrain.
Le 24 février a ouvert une boîte de Pandore dont les conséquences semblent d’ores et déjà bien plus graves que celles ayant suivi le 11 septembre 2001. Parce qu’il s’agit d’une guerre symétrique entre des États développés, parce que cela se passe au cœur de l’Europe, parce que la Russie est le plus grand État de la planète de par sa taille, parce que les pays voisins sont membres de l’Otan et de l’UE pour la plupart et parce que l’ombre de l’arme nucléaire plane sur ce conflit dont nul ne peut en ce début avril prédire la conclusion.
Cette rupture géopolitique majeure nous oblige à tout revoir. De la grammaire de la dissuasion nucléaire aux fondements de cet antagonisme entre deux États aux racines croisées puisant dans l’héritage de l’orthodoxie, dont certains considèrent que Moscou serait la troisième Rome, après la Ville éternelle et Constantinople. Et il est vrai que le temps faisant chemin, nous avions un peu délaissé et oublié ce qui se passait à l’est de l’Europe, le regard obnubilé vers le sud de la Méditerranée ou vers les lointains horizons de l’Indo-Pacifique.
Ce dur rappel à la réalité géostratégique – dûment rappelé dans chaque numéro de la RDN – souligne combien la défense reste une fonction essentielle et déterminante pour un État, surtout s’il veut en même temps affirmer sa souveraineté et assumer ses responsabilités. Et ce mois d’avril sera pour la France un rendez-vous politique majeur avec l’élection présidentielle, obligeant à faire un choix dont celui de choisir notre destin autour de nos forces armées et de notre écosystème défense qui apparaissent plus que jamais comme garants de notre liberté d’action. C’est aussi un des autres paradoxes des conséquences du 24 février avec un intérêt accru pour les questions de défense de la part des candidats à l’élection, ce qui a amené la RDN à proposer un cahier numérique (www.defnat.com) avec les projets portés par ceux-ci pour accéder à l’Élysée.
Il faut cependant garder tête froide et ne pas céder soit aux pusillanimes, soit aux va-t-en-guerre dans cette crise majeure. Plus que jamais, il importe de regarder et de comprendre en s’inscrivant à la fois dans le temps long de l’histoire pour analyser les causes et les ressorts, mais en allant au-delà de l’horizon pour que les décisions prises construisent l’avenir et ramènent un minimum d’espoir pour les générations à venir. ♦