La crise entre l’Ukraine et la Russie s’inscrit dans un registre civilisationnel complexe dans lequel le facteur religieux est une composante majeure. L’autocéphalie des Églises orthodoxes s’inscrit dans des rivalités historiques entre les patriarcats de Moscou et de Constantinople.
Ukraine, Russie et Églises orthodoxes : enjeux géopolitiques (2018)
Ukraine, Russia and the Orthodox Churches: Geopolitical Stakes (2018)
The crisis between Ukraine and Russia is taking place at a complex level of civilisation in which a major element is the religious factor. The autocephalous tradition of the Orthodox churches is embedded in the historical rivalry between the patriarchs of Moscow and Constantinople.
Depuis l’indépendance de l’Ukraine et surtout depuis l’arrivée au pouvoir de Porochenko (2014), l’Ukraine cherche l’autocéphalie pour une future Église orthodoxe sur son territoire. Actuellement, trois Églises orthodoxes officient sur le territoire ukrainien, mais il n’y en a qu’une seule qui soit canoniquement reconnue, c’est celle qui est organiquement liée à l’Église orthodoxe russe, donc au patriarcat moscovite. Elle a son autonomie (pas l’indépendance) canonique par rapport au patriarcat et porte le nom d’« Église orthodoxe ukrainienne patriarcat moscovite » (EOUPM). La Russie et l’Église orthodoxe russe cherchent à préserver le statu quo, c’est-à-dire que l’EOUPM reste la seule entité ecclésiale orthodoxe dont la légitimité canonique est reconnue par les autres Églises orthodoxes officielles. De sorte que l’espace géopolitique de l’Ukraine reste à l’intérieur de l’espace canonique de l’Église orthodoxe russe, plus précisément à l’intérieur de la « Sainte Russie », qui est le cœur de l’espace canonique russe. Or, l’espace géographique couvert canoniquement par la « Sainte Russie » a une grande importance, parce que c’est, entre autres, la partie centrale du Teatr Vojni Zapad ( TVZ/Teatr Vojni – « théâtre de guerre » – et non TVDZ/Teatr Vojnoga Dejstva – « théâtre militaire » ; Zapad signifiant « Ouest ») cher au Maréchal soviétique Ogarkov.
Il est donc évident, que les questions relatives à l’autocéphalie ont et auront des implications sociales, politiques, économiques et religieuses entre autres, aussi bien sur le plan national, régional, international, voir stratégique… Et cela, quel que soit le résultat final des négociations entre l’Église russe et le patriarcat œcuménique (indépendance ou non). Durant le temps des « négociations » pour aboutir à une décision, comme durant celui qui va suivre, le niveau de conflictualité augmentera dangereusement et mettra à l’épreuve la capacité des partis en présence à gérer les crises. Formellement, juridiquement, la problématique relative à l’autocéphalie d’une future Église ukrainienne « unie » est un litige qui oppose le patriarcat de Moscou et le patriarcat œcuménique de Constantinople. Cependant, les enjeux dudit litige les dépassent.
Autocéphalie : aspects ecclésials
Entre 1930 et jusqu’à 1989, il n’y avait en Ukraine qu’une seule Église orthodoxe, celle du Patriarcat de Moscou et de toutes les Russies. Aujourd’hui, en Ukraine, officient trois Églises orthodoxes :
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