Le NIC (National Intelligence Council) américain annonçait dès 2008, dans son rapport Global trends 2025: a Transformed World, la très forte probabilité de survenance d’une pandémie avant 2025, en provenance d’une région du monde à forte densité humaine marquée par la promiscuité entre l’homme et les animaux, telle que la Chine. La pandémie de SRAS COV2 ou Covid-19 lui aura donné raison. Ce même rapport identifie également les germes de potentielles conflagrations militaires accidentelles : les tensions en mer de Chine méridionale comme les actions russes de déstabilisation aux portes de l’Europe. Or, contrairement aux engagements contre-insurrectionnels auxquels font face les armées depuis plusieurs décennies, un affrontement entre grandes ou moyennes puissances provoquerait les mêmes mécanismes de pénurie que le monde a connus lors de la première phase de confinement en 2020, mais pour une durée bien plus longue et sur une gamme de produits bien plus étendue, dont ceux liés à l’industrie d’armement. Cette perspective interroge sur la capacité des nations les plus actives sur la scène internationale, et de la France en particulier, à garantir en de telles circonstances, la continuité de leurs activités stratégiques et, par-là, leur pleine souveraineté. Ainsi, plusieurs axes de réflexions complémentaires peuvent être examinés.

Dynamiser le tissu industriel de défense :
vers plus de dualité et d’innovation

La course effrénée à l’évolution technologique impose d’anticiper et surtout de ne pas prendre de retard afin de maîtriser notre souveraineté. Les scénarios tracés par la Red Team ⁽¹⁾ peuvent être une source d’inspiration. Or, dans le domaine de l’innovation technologique, la défense est devenue progressivement dépendante des ressources disponibles dans le secteur civil. L’autonomie stratégique de la France doit ainsi passer par la constitution et le maintien d’une base industrielle et technologique dite de souveraineté (BITS) qui engloberait tant les entreprises de défense que celles qui travaillent dans les domaines de la sécurité, de la santé, de l’énergie voire du transport, reposant sur une stratégie de dualité ⁽²⁾ et d’export.

La dualité devient en effet une condition sine qua non de l’intégration des dernières technologies aux équipements militaires, mais elle porte aussi l’enjeu du maintien même d’une industrie de défense. Si la contribution à la production de défense apporte une certaine sécurité en termes de commandes pour une entreprise, la commercialisation de produits au profit d’applications civiles permet d’asseoir sa viabilité économique.