La guerre en Ukraine a des implications majeures pour l’Indo-Pacifique. Le Japon observe avec attention les enseignements de ce conflit en vue de renforcer sa propre défense en approfondissant sa relation militaire avec les États-Unis. Tokyo doit aussi accroître la résilience du fonctionnement de son pays en cas de crise.
L’impact de la guerre en Ukraine sur la coercition de type zone grise dans l’Indo-Pacifique
The Impact of the War in Ukraine on Grey Zone Coercion in the Indo-Pacific
The war in Ukraine has major implications for the Indo-Pacific. Japan is keeping a close watch on lessons being drawn from the conflict with a view to strengthening its own defence and deepening its military relationship with the United States. Tokyo has also to build the resilience of its country to continue to operate in case of crisis.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a été un cygne noir pour l’Otan et les partenaires de l’Alliance dans la région indo-pacifique. Elle a constitué un défi stratégique pour l’ordre international libéral et/ou le concept d’Indo-Pacifique libre et ouvert (1). Ce papier analyse l’impact de la crise ukrainienne en se concentrant sur trois questions. Premièrement, l’invasion russe en Ukraine a-t-elle été un « échec de la dissuasion » ou non ? Deuxièmement, quelles sont les implications pour l’Indo-Pacifique ? Troisièmement, que doit faire le Japon dans cette « nouvelle normalité » ? En conclusion, nous examinerons comment contrer la coercition de type zone grise par la résilience. Cette dernière sera cruciale pour envisager la gestion des alliances et les partenariats dans la région indo-pacifique.
Un échec de la dissuasion générale
La première question est de savoir si l’invasion russe de l’Ukraine représente un échec de la dissuasion ? Ma réponse est double : oui et non. Il s’agit d’un échec de la « dissuasion générale » sur le théâtre européen, mais pas d’un échec de la « dissuasion immédiate », c’est-à-dire de la « dissuasion étendue » des pays alliés (2).
D’une part, la crise ukrainienne a révélé la faillite de la posture de dissuasion générale en Europe. L’asymétrie des intentions et des capacités entre les alliés de l’Otan et la Russie sur la crise initiale en Ukraine explique clairement son issue. Avant le 24 février 2022, les pays occidentaux ont répété des avertissements clairs concernant l’agression russe, et les médias internationaux en ont fait largement état. La dissuasion générale par la dissimulation ne s’est pas avérée fructueuse. Une explication est que les États-Unis, tout en prenant des initiatives diplomatiques pour dissuader l’agression russe, ont prudemment exclu toute intervention militaire dans la crise ukrainienne (3). La position officielle de l’Otan fait essentiellement écho à celle des États-Unis en déclarant que « l’Alliance a la responsabilité de veiller à ce que cette guerre ne s’intensifie pas et ne s’étende pas au-delà de l’Ukraine, ce qui serait encore plus dévastateur et dangereux » (4). Pour cette raison, l’Otan a écarté l’option d’envoyer des troupes en Ukraine et de faire respecter une zone d’exclusion aérienne.
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