La mer de Chine méridionale (MCM) fait l’objet d’intenses convoitises et de revendications notamment par la Chine. Celle-ci pratique une guerre juridique autour du lawfare pour justifier ses actions. Cependant, les résultats semblent mitigés au regard du manque de soutien international.
La Chine et les limites conceptuelles et pratiques de la guerre juridique en mer de Chine méridionale
China and the Conceptual and Practical Limits of the Legal Battle in the South China Sea
The South China Sea is the object of intense covetousness and claims, particularly by China, which is conducting a legal war—lawfare—to justify its actions apparently without great success, given the lack of international support.
L’expression « lawfare » – soit la contraction de « law » et de « warfare » – est fréquemment utilisée dans les écrits sur la mer de Chine méridionale (MCM) pour décrire les activités (légales) de la Chine. À première vue, le terme semble séduisant. Le droit est politisé et fait partie du calcul stratégique des États de la région ; le non-respect du droit de la mer et les tentatives de faire passer des revendications particularistes au mépris de l’État de droit sont caractéristiques des revendications et des actions de la Chine. Cependant, soulever et répondre à deux questions fondamentales – quels types d’activités recouvrent la « guerre du droit » dans les analyses sur la MCM ? Quels sont les résultats de cette guerre juridique menée par la Chine ? – montre que résumer les activités de la Chine sous l’étiquette « lawfare » souffre de limites conceptuelles et pratiques.
Lawfare : les limites d’un terme abondamment utilisé
La « guerre du droit » a été définie à l’origine comme « la stratégie consistant à utiliser – ou à abuser – du droit en remplacement des moyens militaires traditionnels pour atteindre un objectif opérationnel » (1). Malgré cette définition, la littérature n’a pas permis de dégager un consensus sur les types d’activités qui relèvent de la lawfare, ni sur la question de savoir si celle-ci renvoie à une pratique normativement négative, neutre ou pertinente (2). L’idée que les chercheurs ont « perdu le contrôle du concept de lawfare » (3) s’applique sans doute à la MCM, où de nombreuses initiatives très diverses ont été qualifiées de lawfare. Il s’agit de phénomènes aussi divers que la caractérisation des activités juridiques de la Chine, l’engagement par les Philippines d’une procédure arbitrale contre la Chine, la demande conjointe de la Malaisie et du Vietnam d’une extension du plateau continental et les opérations navales américaines conduites dans la zone sous l’appellation de « liberté de navigation ».
Les activités de la Chine dans le domaine juridique ont régulièrement été qualifiées de lawfare. Ces activités peuvent être caractérisées par une utilisation instrumentale de revendications délibérément ambiguës (« droits historiques ») qui servent de couverture pour modifier le statu quo factuel (4). L’insistance de la Chine sur des revendications si excessives qu’elles multiplieraient les droits normaux découlant de l’application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) remet en question l’effet contraignant de celle-ci sur la Chine. L’utilisation par la Chine d’un langage juridique pour défendre ces revendications ne semble pas s’inscrire dans la recherche d’une interprétation universellement acceptée de l’état de droit en mer. Si certains chercheurs voient dans les activités de la Chine des tentatives de promotion d’une vision différente du droit de la mer (5), cette vision n’est qu’une demande de revendications particularistes. Plutôt que de promouvoir une réécriture globale du droit de la mer, la Chine tente de faire valoir des revendications particulières motivées par une vision historique de la ligne en neuf traits qui sert de base à des revendications qu’elle souhaite voir adopter par les États d’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental. La portée de ces revendications particularistes est telle qu’elles bouleverseraient les équilibres fondamentaux qui sous-tendent la CNUDM ; par exemple, le fait qu’aucun État n’est autorisé à revendiquer des droits maritimes au-delà des limites normales ou résultant d’un équilibre des droits entre les États côtiers et les États utilisateurs. Mais même après trois décennies de différends en mers de Chine méridionale et orientale, aucune vision chinoise alternative du droit de la mer au-delà des revendications particularistes n’a émergé.
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