Taïwan et son détroit focalisent les divergences stratégiques entre la Chine et l’île indépendantiste soutenue par les États-Unis. Ceux-ci disposent de Sous-marins nucléaires d’attaque qui assurent une mission dissuasive face à la marine chinoise. D’où le choix de l’Australie de se doter de SNA dans le cadre de l’alliance AUKUS.
L’avenir du statu quo et de la paix dans le détroit de Taïwan
The Future of the Status Quo and Peace in the Taiwan Strait
Taiwan and the Taiwan Strait are the focus of the strategic divergence between China and the breakaway island supported by the United States. The US has SSNs which conduct a deterrent mission against the Chinese Navy, hence the Australian decision to acquire SSNs in the framework of the AUKUS alliance.
Sans le risque d’une guerre lancée par la Chine pour absorber Taïwan, et sans la perte irrémédiable de la suprématie aéronavale américaine dans le détroit, causée par les progrès de l’Armée populaire de libération (APL), l’AUKUS n’aurait peut-être jamais vu le jour. Le choix de l’Australie de développer des sous- marins nucléaires d’attaque en coopération avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, au prix d’un partenariat de confiance avec la France dans l’Indopacifique, est le choix de se donner une capacité d’opérer au sein de la première chaîne d’îles, et de peser sur ceux de la Chine. La question de Taïwan est bien centrale comme justification stratégique de l’AUKUS. Or, sur le court terme, les bénéfices de l’AUKUS pour la sécurité dans le détroit ne seront pas tangibles avant la fin des années 2030 – l’horizon le plus optimiste pour la mise à l’eau du premier SNA, si le programme est mené jusqu’au bout (1). À plus long terme pourtant, l’AUKUS met en lumière deux dimensions importantes du maintien de la paix dans le détroit : le rôle crucial des SNA pour dissuader la Chine de lancer une attaque amphibie, et l’importance pour les États-Unis de bâtir une coalition capable d’intervenir militairement dans un scénario taïwanais, et disposant d’une supériorité technologique.
Meilleur système pour opérer au sein de la première chaîne d’île, y compris dans les eaux peu profondes du détroit de Taïwan et de la mer de Chine du Sud, les SNA sont au cœur du dispositif de dissuasion américain, et jouent un rôle d’autant plus important que l’APL dispose de capacités antinavires et antiaériennes très crédibles dans cet espace. Pourquoi les États-Unis n’ont-ils pas opté pour l’accélération de leur propre programme de construction de SNA de classe « Virginia » ? La réponse tient à la notion de coalition en construction. Les États-Unis élargissent à l’échelle de l’Indopacifique leur compétition militaire avec la Chine. Il s’agit de répondre à leur perte de la suprématie aéronavale au sein de la première chaîne d’îles, qui les oblige à repenser leur dissuasion, y compris dans le sens de la supériorité technologique. La conclusion nuance l’importance de l’AUKUS pour la défense du statu quo dans le détroit de Taïwan. Dans les années 2020, le succès de l’AUKUS se mesurera surtout à l’innovation trilatérale de défense. Plus décisives pour le futur de la paix dans le détroit de Taïwan seront les leçons que les autorités militaires chinoises et taïwanaises sauront tirer de la guerre russe contre l’Ukraine.
Le rôle dissuasif des SNA dans le détroit de Taïwan
Lors de la dernière crise militaire dans le détroit de Taïwan, en 1995-1996, l’armée taïwanaise disposait d’une supériorité aérienne sur l’APL. Les États-Unis avaient pu déployer deux porte-avions à proximité de Taïwan pour dissuader la Chine d’aller à l’escalade, alors qu’elle avait choisi de répondre aux premières élections présidentielles taïwanaises au suffrage universel direct et à l’approfondissement des relations Taïwan/États-Unis par dix tirs de missiles balistiques DF-15 aux alentours de l’île, accompagnés d’exercices militaires de grande échelle sur la côte du Fujian (2).
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