Les États-Unis développent une stratégie de dissuasion intégrée en y associant leurs alliés en s’appuyant sur l’approche « coordination, innovation et coopération ». Celle-ci dépasse le simple cadre militaire et se veut au service d’une diplomatie proactive, appuyée par une force militaire crédible.
Les États-Unis et leurs alliances à la lumière de la dissuasion intégrée
The United States and its Alliances in the Light of Integrated Deterrence
The United States is developing a strategy of integrated deterrence which associates its allies in an approach based on coordination, innovation and cooperation. This goes beyond a purely military framework and aims to serve proactive diplomacy supported by a credible military force.
La nouvelle stratégie mise en avant par le Pentagone sous le vocable de « dissuasion intégrée » se caractérise pour l’essentiel par le renforcement de la coopération politico-militaire avec les alliés et partenaires des États-Unis tant dans l’espace indo-pacifique qu’en Europe et également par des investissements massifs dans l’innovation et les nouvelles technologies. Elle repose sur une approche collective et intégrée, mais aussi sur le recours à des options militaires et non militaires, dont des moyens de coercition diplomatiques, financiers et économiques. La mise en avant par l’Administration Biden d’un nouveau format sécuritaire à haute valeur technologique comme l’AUKUS ou la revitalisation et l’élargissement du dialogue quadrilatéral de sécurité, le Quad, vers des problématiques para-diplomatiques (1) illustrent cette démarche. Si celle-ci s’articule étroitement avec la politique chinoise des États-Unis et consacre la priorité stratégique du théâtre indo-pacifique, elle entend offrir des cadres et des formats flexibles qui permettent de répondre à de nombreux défis globaux dont ceux posés par la guerre en Ukraine. Au-delà de la centralité de Pékin et de l’intensification de la rivalité américano-chinoise, la dissuasion intégrée s’adresse également à d’autres perturbateurs potentiels comme la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord qui pourraient être tentés par un regroupement d’opportunité en vue de contester l’ordre international promu par Washington et ses principaux alliés (2).
Une approche technico-opérationnelle plus intégrée
Le concept de dissuasion intégrée s’est imposé dans le discours politico-militaire américain à l’occasion des nombreuses interventions du secrétaire à la défense, Lloyd Austin, tout au long de l’année 2021 (3) et notamment lors d’une allocution publique prononcée à Singapour en juillet 2021 dans le cadre du Fullerton Dialogue de l’International Institute for Strategic Studies, IISS (4). À chaque fois, l’accent était mis sur l’importance de la coopération et des partenariats, mais aussi sur l’acquisition de nouvelles capacités, en particulier dans les domaines cyber et spatial tout en soulignant l’objectif américain d’une prise en compte de la totalité du spectre des conflits, de la haute intensité aux situations de zone grise tout en incluant les scénarios dit de « rapid fait accompli ».
Au fil de ses déclarations, Lloyd Austin avait notamment expliqué que de nouveaux niveaux de dissuasion pouvaient être atteints grâce à la force combinée des États-Unis et de leurs alliés, mais aussi par le biais d’un plus grand engagement en recherche et développement qui permette d’atteindre la supériorité technologique. Les domaines de l’intelligence artificielle comme de l’informatique et de la communication quantiques dont le gouvernement chinois a fait des priorités scientifiques sont particulièrement visés (5). Pour les États-Unis, engagés dans une compétition multidimensionnelle avec la Chine, il s’agit d’utiliser au mieux l’innovation, mais aussi la mise en réseau des capacités opérationnelles et technologiques disponibles afin de mieux faire face aux menaces émergentes qui changent les conditions de la guerre moderne. Le concept de dissuasion intégrée devrait constituer l’un des piliers idéologiques de la nouvelle stratégie de défense nationale américaine à paraître avant la fin de l’année 2022 avec une réévaluation de la défense antimissiles comme de la posture nucléaire du pays (6).
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