L’Antarctique dispose d’un régime juridique permettant une coopération internationale civile. Or, cet espace est convoité à des fins géopolitiques et économiques. La Chine y est de plus en plus active et pourrait remettre en cause le statu quo, d’où une réaction de l’Australie et l’affirmation d’une ambition française à y être présente.
L’Antarctique, une région dans le prolongement de la zone indopacifique
The Antarctic, a Region in the Extension of the Indo-Pacific Zone
The Antarctic has a special legal status which provides for international civil cooperation. The area is nevertheless much coveted for geopolitical and economic reasons. China is more and more active there, and risks upsetting the status quo, which explains the Australian reaction and the affirmation of French ambition to maintain presence there.
Le continent antarctique suscite de croissantes convoitises de la part de puissances tierces, dont les motivations, souvent économiques, s’affirment par une présence militaire accrue. En réaction à celle-ci, perçue comme une menace à la sécurité de la partie méridionale de la zone indopacifique, s’organise actuellement une révision des stratégies des États riverains et de leurs alliés. La Chine est en train de devenir une grande puissance polaire alors même que son positionnement géographique ne l’y prédisposait pas. Ce nouveau contexte met en lumière l’importance stratégique croissante de la région. L’Antarctique est-il véritablement un terrain d’affrontement géopolitique, et si oui quels intérêts stratégiques représente-t-il ? Quelle est la place du continent austral dans la lutte d’influence qui se joue dans l’Indopacifique ?
Un régime juridique singulier permettant une coopération
internationale au service de la paix
Espace unique d’un point de vue du droit international, l’Antarctique est le seul continent non militarisé et non nucléarisé (1). Sa gouvernance se partage collectivement entre les 54 États parties au traité de Washington. Les décisions sont prises selon le principe de l’égalité souveraine des États, chaque pays jouissant des mêmes droits dans le processus de vote. Signé en 1959, ce traité gèle les revendications des pays au sud du 60e degré de latitude sud sans toutefois annuler celles émises par les 7 États dits possessionnés. Parmi les 54 membres, 29 ont un statut particulier, celui de partie consultative au Traité sur l’Antarctique (PCTA) leur permettant de prendre part aux décisions en votant. Les autres parties dites « non consultatives » ont un rôle semblable à celui de pays observateurs. Ce traité abrite cependant une zone grise. En effet, son contenu interdit certes la militarisation du territoire, mais l’article 1 paragraphe 2 stipule : « Le personnel et l’équipement militaire peuvent être utilisés à des fins de recherche scientifique ou à tout autre fin scientifique. » Dans les faits, il est très compliqué de distinguer les activités dites civiles de celles poursuivant un objectif militaire.
À l’appui de ce traité, le protocole de Madrid (2), entré en vigueur en 1998, vise à proscrire toute exploration de minerais en Antarctique. En application jusqu’en 2048 au moins, il peut être amendé ou rendu caduc à partir de cette date. N’importe lequel des PCTA peut demander une révision du protocole qui sera appliquée si la majorité des États parties au protocole et la majorité des pays ayant le statut de PCTA s’accordent (3). Selon Anne Choquet, spécialiste du droit des régions polaires et vice-présidente du Comité national français des recherches arc tiques et antarctiques, le droit est fermement ancré et assure la protection de l’environnement. Les dispositions prises en Antarctique n’ont jamais réussi à être mises en place ailleurs, ce qui en fait un exemple de gouvernance à l’échelle de la planète. La gouvernance de l’Antarctique s’appuie donc sur le traité de Washington, la CCAS (Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique), la CCAMLR (Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique), le protocole de Madrid et fonctionne autour de la RCTA (réunion consultative du Traité sur l’Antarctique). Il s’agit d’un lieu d’échange et de communication autour de questions juridiques et politiques liées au traité et aux activités de recherche scientifique (4). Parallèlement, pour surveiller l’application des règles du traité et du protocole, des observateurs sont envoyés par les pays signataires dans les stations scientifiques et à bord des navires. Ils peuvent alors rendre des rapports d’inspection à la RCTA. Ce mécanisme d’inspection est unique, car accepté par les États-Unis et par la Chine.
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