AUKUS et la guerre en Ukraine auraient pu pousser à un rapprochement conséquent entre Moscou et Pékin. La Chine, certes, a réaffirmé son soutien à la Russie, mais sans pour autant le concrétiser, notamment sur le plan militaire. Mais, un approfondissement de la relation n’est pas à exclure à l’avenir.
AUKUS et Ukraine, facteurs d’approfondissement de la relation sino-russe ?
AUKUS and Ukraine, Factors in a Deepening Sino-Russian Relationship?
AUKUS and the war in Ukraine might be leading to a significant rapprochement between Moscow and Beijing. China, it is clear, has reaffirmed its support for Russia albeit without any material action, particularly military. That is not to exclude a deepening of the relationship in the future.
La relation sino-russe suscite un grand nombre de questionnements depuis l’invasion par Moscou de l’Ukraine le 24 février 2022. Parfois qualifiée d’amitié, parfois d’alliance, parfois de « rapprochement de convenance », cette relation témoigne à la fois d’une coopération croissante, y compris dans le domaine de la défense, mais aussi d’un soutien politique mutuel parfois contrasté. Pour y voir plus clair, deux événements récents et importants pour la relation – AUKUS, d’une part et la guerre en Ukraine, d’autre part – permettent de remettre en question la nature du rapprochement sino-russe et d’en tirer certaines conclusions.
Conséquences d’AUKUS sur la relation sino-russe
Si l’annonce du pacte AUKUS, a constitué une crise diplomatique entre certains alliés de l’Otan, elle n’a pas fait réagir la Chine au-delà des éléments de langages habituels utilisés par Pékin pour qualifier la présence américaine dans la zone, à savoir que cet événement déstabilisait la région, encourageait une mentalité de type « guerre froide », et favorisait la prolifération nucléaire. Pour autant, AUKUS a fortement perturbé la Chine pour deux raisons essentielles : d’abord, cet événement est révélateur d’un changement de cap de l’Australie, qui considère désormais ouvertement la Chine comme une menace directe à sa sécurité ; ensuite, le choix australien de se tourner vers des sous-marins nucléaires accroît les enjeux symboliques autour d’un conflit potentiel dans la zone. À plusieurs reprises, la Chine s’est positionnée derrière le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, en disant que le Quad (Quadrilateral Security Dialogue) et la coopération autour d’AUKUS mettraient à mal la gestion historique de la sécurité régionale par l’ASEAN (Association of Southeast Asian Nations). Sur ce sujet, la Chine se cache volontiers derrière les déclarations de son voisin russe, mettant ainsi en avant un intérêt commun à voir diminuer la présence américaine dans la zone indopacifique. Cet intérêt commun prend parfois la forme d’exercices militaires conjoints russo-chinois, comme ceux organisés le 24 mai 2022 près des côtes japonaises où se tenait un Sommet du Quad.
Moscou est engagée depuis le début des années 2010 dans le développement de ses relations avec ses partenaires asiatiques – en témoigne l’organisation en 2012 du Sommet de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) à Vladivostosk – qui s’est renforcée depuis 2014 et la dégradation de ses relations avec les pays occidentaux consécutive à l’intervention russe en Ukraine. Malgré cette dynamique, la région indopacifique ne fait pas l’objet d’un investissement particulier de la part de Moscou : elle n’est mentionnée en tant que tel ni dans la doctrine navale de 2015 ni dans le fondement de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine naval pour la période allant jusqu’à 2030. De même, la flotte du Pacifique, l’une des cinq de la Fédération de Russie, concentre l’essentiel de ses dé ploiements dans le Nord du Pacifique. En dépit de cet investissement limité dans la région, Moscou a réagi négativement à l’annonce du pacte AUKUS, et ce à deux principaux titres. D’une part, du point de vue de Moscou, le pacte AUKUS, et le transfert de technologie nucléaire sensible des États-Unis et du Royaume-Uni vers l’Australie qu’il implique constitueraient une violation du traité de non-prolifération, comme l’a indiqué en octobre 2021 Sergueï Riabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères en charge de la non-prolifération et du contrôle des armements. Outre les enjeux de prolifération, plusieurs hauts responsables russes, parmi lesquels Nikolai Patrushev, secrétaire du Conseil national de sécurité et membre du premier cercle autour de Vladimir Poutine, ont dénoncé le pacte AUKUS ainsi que d’autres partenariats régionaux en Indopacifique – comme le Quad – comme menaçant l’architecture de sécurité régionale et par nature dirigés contre les intérêts russes et chinois.
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