Le Viêt Nam entretient des liens complexes avec la Chine, mais bénéficie de l’assistance de Pékin, particulièrement pour anticiper d’éventuels désordres sociaux. Il s’agit aussi de préserver la souveraineté nationale du régime de Hanoi, tout en ménageant ses partenaires, que ce soit la Chine ou les États-Unis.
Viêt Nam – Chine : cybersécurité et contrôle social
Vietnam – China: Cybersecurity and Social Control
Vietnam maintains complex links with China and benefits from Beijing’s help, especially in anticipating possible social unrest. There is also the question of preserving the Hanoi regime’s national independence whilst managing its partners—be they China or the United States.
En Chine et au Viêt Nam, les ministères de la Sécurité publique (MSP) sont des acteurs politiques influents dans de nombreux domaines : le maintien de l’ordre, les campagnes de lutte anticorruption, les enjeux de cybersécurité, l’encadrement de l’Internet et la protection des informations personnelles. Dans le cadre de leur partenariat stratégique signé en 2008, le Viêt Nam et la Chine disposent d’un volet consacré aux coopérations policières. Pour les deux États voisins, le maintien de l’ordre et la défense de la position dominante du parti sont des préoccupations de premier plan (1). Il est question de « construire une communauté avec un avenir commun pour l’application de la loi et la sécurité entre la Chine et le Viêt Nam », et surtout de « sauvegarder sérieusement leurs intérêts à long terme » (2). Malgré leurs contentieux maritimes en mer de Chine méridionale et la grande susceptibilité patriotique de leurs peuples, les dirigeants chinois et vietnamiens partagent ce même constat (3). Depuis 2015, les mécanismes de leur coopération en matière de sécurité publique se sont intensifiés (4). En luttant contre les criminalités, Pékin et Hanoi visent les forces dites « réactionnaires » pour préserver leurs régimes dans un monde qui bouge.
Une crainte des désordres sociaux
Au Viêt Nam, le ministère de la Sécurité publique (MSP) est l’administration la plus influente de l’appareil politique. Avec des bureaux dans les 59 provinces du pays et ses cinq municipalités (Hanoi, Hô Chi Minh Ville, Cân Tho, Da Nang et Hai Phong), le ministère dispose aussi d’agents dans les districts et les arrondissements de toutes les grandes villes. Le MSP comprend actuellement six départements principaux : police, sécurité, renseignement stratégique, éducation et personnel, logistique, science et technologie. La police est principalement un organisme d’application de la loi et on estime qu’il compte 1,2 million d’informateurs à l’échelle nationale. Le Département de la sécurité dispose d’une unité spécialisée, A42, équipée d’une technologie électronique perfectionnée (Verint, Silver Bullet P-GSM et Cellebrite Universal Forsenic Extraction Device) pour pirater Internet et surveiller les téléphones mobiles, et son unité A05 est chargée de la lutte contre la cybercriminalité.
Au Viêt Nam, à l’ère des technologies de l’information, Internet et l’essor des médias sociaux accueillent de nombreuses plateformes critiques envers le parti communiste vietnamien (PCV). Entre le 23 janvier 2020, date à laquelle le Viêt Nam a détecté son premier cas d’infection à la Covid-19, et la mi-mars, la police a censuré environ 300 000 messages sur des sites d’information et des blogs, et 600 000 messages sur les médias sociaux. Au cours de ces deux premiers mois, la police a pris des mesures contre 654 cas de soi-disant fausses nouvelles et a sanctionné 146 personnes. Comme dans la plupart des pays d’Asie, la crise a donné l’occasion aux États de renforcer leur contrôle social sous couvert de politique sanitaire (5). Le recours au Big Data et à une vidéosurveillance massive a été relativement bien accepté par la population vietnamienne qui y a vu une garantie de sécurité (6). Le gouvernement a accéléré son recours aux technologies de traçage. Avec leurs applications mobiles comme Bluezone, NCOVI et Vietnam Health Declaration ou encore la généralisation d’un portail des services publics numérique, les autorités vietnamiennes ont fait une pierre deux coups, endiguer la pandémie et renforcer son contrôle de la population ; un bilan qu’il faut certes nuancer car, comme souvent au Viêt Nam, il a fallu compter sur de nombreuses disparités dans l’application de ces mesures selon les administrations et une coordination souvent chaotique qui a limité leurs mises en œuvre dans les provinces du pays.
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