La Russie est revenue très activement sur la scène africaine, profitant notamment d’une instrumentalisation anti-française au Mali. Le groupe Wagner est ainsi le bras armé de Moscou, prêt à soutenir des régimes sans scrupules et dont l’objectif principal est de conserver le pouvoir.
Dynamiques locales, stratégies globales : l’appui russe aux pouvoirs militaires maliens et soudanais
Local Dynamics, Global Strategies: Russian Support to Malian and Sudanese Militaries
Russia has returned very actively to the African scene, benefiting in particular from exploitation of anti-French feeling in Mali. The Wagner Group is Moscow’s strong arm, ready to support regimes without scrupules whose principal objective is to maintain hold on power.
Depuis dix ans, l’idée d’une nouvelle « ruée vers l’Afrique » (New Scramble for Africa) est omniprésente dans les analyses médiatiques. Elle fait référence à un intérêt grandissant de nouvelles puissances internationales et régionales pour le continent, qui viendraient dès lors concurrencer les anciennes puissances coloniales et les États-Unis. C’est notamment la présence croissante de la Russie sur le continent africain qui suscite de nombreuses interrogations, d’autant plus dans un contexte où l’invasion russe en Ukraine en a fait, du point de vue des pays membres de l’Otan, l’une des principales menaces à l’ordre international.
Cette présence russe paraît motivée d’abord par une volonté d’étendre son influence globale et, ensuite, par un intérêt pour un espace où se trouvent des ressources naturelles précieuses. Ces intérêts convergent principalement dans la mise en œuvre d’une « coopération militaro-technique » (1) incluant accords officiels, interventions sous conditions souvent floues de sociétés militaires privées et obtention d’un accès aux ressources minières. La présence de groupes sécuritaires russes en Afrique remonte à la chute de l’URSS, pour notamment « assurer le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires de fabrication soviétique » (2).
Ainsi, si la stratégie russe en Afrique s’inscrit dans une logique opportuniste, elle repose aussi sur un imaginaire concevant l’ex-URSS comme une alternative aux acteurs internationaux dominants sur le continent, à l’image d’autres acteurs comme la Chine et les pays du Golfe. Par ailleurs, les États africains ne sauraient être considérés comme des acteurs uniquement dominés. De par leur position asymétrique dans la globalisation néolibérale (3) tout comme durant la période de la guerre froide, la plupart des États du continent africain interagissent avec les grandes puissances en cherchant à maximiser leurs capacités d’action dans un contexte d’inégalités des rapports de force. La diplomatie et les jeux géopolitiques deviennent ainsi parfois des leviers pour tirer des rentes dites d’extraversion. À travers deux études de cas où la présence russe s’est visiblement accrue depuis cinq ans, le Mali et le Soudan, nous montrerons que ce sont autant les intérêts et priorités des puissances externes que l’agentivité, l’autonomie des acteurs africains et leurs stratégies, liées à des contextes domestiques spécifiques, qui produisent ces dynamiques géopolitiques actuelles.
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